Nous présentons ici quelques solutions qui seraient relativement simples à mettre en œuvre afin de 1) mieux contrôler l’épidémie et protéger les personnes les plus à risque, 2) monitorer d’autres indicateurs, dont la santé mentale et la précarité, 3) mieux détecter l’épidémie.
Une approche différente de celle mise en œuvre dans notre pays existe ; elle est bien connue, maîtrisée et documentée (entre autres par l’OMS). Elle consiste à en revenir aux fondements mêmes de la Santé publique : approche de priorisation stratégique, suivi et détection précoces avec tests sentinelles, échantillonnage aléatoire, tests rapides, analyse des eaux usées… et réaction très rapide de limitation des contacts en cas de résurgence d’une exponentielle, mais en ciblant les mesures. Enfin et surtout, les objectifs d’une telle approche sont de soigner les malades, et protéger les plus vulnérables. Bref, ne pas couper un bras pour cause de blessure, mais utiliser des moyens adéquats et proportionnés.
Cliquez sur les différentes mesures pour en lire une description détaillée.
1. Favoriser un maximum les pratiques à l’extérieur
Yves van Laethem récemment, et les experts en général, reconnaissent que les contaminations en extérieur sont quasi inexistantes, a fortiori par temps sec et plus chaud 1https://www.rtbf.be/info/societe/detail_parcs-bondes-fetes-clandestines-les-contaminations-au-coronavirus-sont-elles-frequentes-en-exterieur?id=10705695, … Continue reading. Étonnamment, on a peu utilisé l’extérieur comme stratégie de soupape pour favoriser le lien social et reconnecter les gens entre eux. Il serait bénéfique, tant pour la santé publique que pour la santé mentale, de favoriser par des mesures libératoires les activités de groupe ou individuelles en extérieur.
Plutôt que la fermeture des parcs et les couvre-feux encourageant nos jeunes à rester confinés à l’intérieur sans garanties du respect des mesures, nous pensons qu’il faudrait autoriser, voire encourager les rassemblements à l’extérieur en les encadrant. Nous pourrions par exemple remplacer les policiers par des stewards qui rappellent et conscientisent aux gestes barrières afin de limiter les transmissions. Nous pourrions organiser des événements sécurisés dans de grands espaces aérés ou extérieurs.
A cet égard on songe notamment à :
- Réouverture des terrasses Horeca, voire à la mise à disposition de terrasse en compensation pour les cafés et bars n’en disposant pas
- Réouverture de tous les spectacles en extérieur
- Réouverture des marchés extérieurs sans limite
- Autorisation sans limite des cours et formations en extérieur
- Autorisation de toutes les animations et activités publiques encadrées, culturelles, sociales, scolaires … en extérieur
- Réouverture des sports en extérieur et possibilité sans limite de pratiquer les sports habituellement réalisés en intérieur, en extérieur
- Limitation de l’utilisation du masque aux zones extérieures surpeuplées (où le 1,5 mètre de distance est impossible). Supprimer les impositions forcées de masques dans les autres zones de l’espace public.
Cette libération des activités en extérieur a l’avantage d’être immédiatement applicable. Elle conduit non pas à interdire des pratiques mais à les adapter aux conditions de transmission du Covid-19.
2. Recourir à des mesures ciblées, en particulier une attention accrue aux personnes à risque
A côté de tous les défis qu’apporte la pandémie, quelques opportunités providentielles sont à saisir: la toute grande majorité des complications et des décès est restreinte à une tranche très particulière de la population. Citons les personnes âgées, les diabétiques, les personnes en surpoids, celles présentant des vulnérabilités cardiovasculaires, … Il est selon nous impensable de ne pas exploiter l’atout de cette connaissance dont nous disposons face à la maladie: mettons en place un dépistage accru et une vraie infrastructure solidaire pour aider cette population, et non plus des mesures aveugles, linéaires et contre-productives que nous connaissons aujourd’hui. Ceci irait d’ailleurs dans le sens d’un des principes fondamentaux de la santé publique, à savoir l’équité: à besoin égal, traitement égal; à besoin différencié, traitement différencié. Activons plutôt l’information, l’éducation sanitaire et les traitements prophylactiques. Enfin, un accompagnement personnalisé et humain en cas d’auto-confinement volontaire, soutenu par une vraie infrastructure, pourrait aider les personnes à risque à attendre leur vaccin dans des conditions décentes.
De manière globale, à long terme, il s’agit de mettre en place une véritable stratégie de renforcement de l’état de santé général des populations à travers des mesures de prévention et de promotion de la santé (lutte contre la précarité, supplémentation nutritionnelle, activité physique, sommeil, environnement sain, lutte contre le stress).
Pour ce faire, il convient de remettre en avant le rôle de la médecine générale et des travailleurs du “care”.
S’agissant de la Covid-19 en particulier, à court terme, il s’agit de détecter les personnes à risque qui s’ignorent encore, et de sensibiliser toutes les personnes à risques aux moyens immédiats de veiller sur leur santé. Les moyens de surveillance à la maison pour les diabétiques, cardiaques, hypertendus … sont bien connus: Pour le suivi des symptômes respiratoires liés à la Covid-19, c’est l’utilisation de l’oxymétrie qui est souvent recommandée 2https://www.bmj.com/content/371/bmj.m4151. Fournir ce petit appareil peu coûteux aux personnes les plus à risques, via les mutuelles, conscientiser, former à son utilisation et opérer le suivi via les médecins généralistes, paraît évident et indispensable à court terme. Enfin, en cas d’amplification des symptômes, il convient d’assurer une prise en charge précoce, à nouveau via les médecins généralistes, au lieu de laisser médecins et patients démunis. Pour ce faire, une série de molécules ont fait leurs preuves pour éviter les formes graves de la maladie: anticoagulants, anti-inflammatoires (d’autres molécules font actuellement l’objet d’essais cliniques approfondis), de même que diagnostiquer et traiter rapidement par antibiothérapie les surinfections bactériennes fréquemment observées dans le décours de cette affection et qui sont responsables d’une morbidité additionnelle.
Des mesures ciblées, c’est aussi s’occuper de clusters locaux, aider en particulier les populations précarisées des centre-villes qui souffrent le plus des mesures, comme le demandent les travailleurs sociaux depuis des mois, alors qu’on les empêche d’aller sur le terrain.
3. Monitorer les assouplissements
Si le relâchement pur et dur d’une mesure comporte effectivement des risques éventuels, il convient alors de s’en prémunir, en prenant des mesures complémentaires et en limitant ces risques, lors dudit relâchement.
Prenons un exemple récent. Les coiffeurs et autres métiers de contact ont récemment rouvert, contre l’avis du GEMS qui prétexte que ces professionnels de l’hygiène corporelle pourraient en pratique être des super-contaminateurs/spreaders risquant d’infecter tous leurs clients. Si, selon certains, cet argumentaire était discutable, des contaminations pourraient néanmoins survenir, bien que dans une mesure moindre que celle estimée dans le rapport du GEMS. Pourquoi, dès lors, ne pas le mesurer? Pourquoi ne pas se protéger contre ces hypothétiques contaminations? Pourquoi ne pas saisir l’opportunité pour objectiver ces contaminations?
Proposer à un échantillon de professionnels actifs des métiers de contact (des vigies volontaires, agissant par solidarité de métier) de se faire tester chaque semaine, par exemple le mardi avant d’ouvrir un salon de coiffure (par test rapide Ag) et permettre – à nouveau par la mise à disposition des tests rapides Ag – aux clients de faire un test quelques jours après leur coupe ou leurs soins, aurait permis:
- de détecter précocement les contaminations dans ces publics, limitant l’impact éventuellement négatif du relâchement;
- de mesurer l’impact réel de la réouverture (et de la fermeture…) des métiers de contacts.
Typiquement, une réouverture des auditoires serait une formidable opportunité d’implémenter ce genre d’assouplissement contrôlé, grâce aux infrastructures, sensibilisations, et à l’auto-organisation en milieu universitaire.
Ne pas prendre ces assurances, c’est se condamner à n’avoir aucun moyen d’estimer si une politique est fonctionnelle ou pas, et laisser le champ libre à un regain éventuel de l’épidémie.
4. Revenir à des objectifs clairs et des mesures cohérentes suscitant l’adhésion de la population
Comme nous l’avons déjà documenté, la gestion de crise ayant suivi la deuxième vague est restée bloquée au niveau 4 d’alerte maximale, alors que les indicateurs sont à nouveau descendus aux niveaux 2 ou 3 selon les baromètres de l’OMS et du Celeval 3https://covidrationnel.be/2021/02/05/situation-epidemiologique-de-la-belgique-dans-le-barometre-de-loms/ et sont stables depuis des mois 4https://www.covidata.be/who/who.
Il paraît dès lors évident que la population ne peut comprendre et adhérer au maintien des mesures les plus restrictives de ce niveau 4. Ces mesures sont celles qui pèsent en premier lieu sur les revenus et le moral de la population et des jeunes en particulier, telles la fermeture des auditoires, des métiers de contact, des salles de spectacle, les différents couvre-feux… Citons par exemple l’obligation du port du masque en extérieur, la fameuse “bulle sociale de 1” ou encore faire ses courses seul… Elles apparaissent aujourd’hui incohérentes eu égard aux objectifs fixés : “aplanir les courbes”, “éviter la saturation des hôpitaux”, … objectifs qui ont été atteints depuis longtemps. Selon nos analyses, certaines n’ont d’ailleurs eu aucun impact significatif sur le pic de l’épidémie fin octobre, ni sur la descente des indicateurs en novembre 5https://covidrationnel.be/2021/02/16/discussion-chronologique-de-limpact-de-certaines-mesures-non-pharmaceutiques-de-lutte-anti-covid-suivant-la-2eme-vague-en-belgique/. Le dernier rapport du GEMS 6rendu public le 2 mars 2021, https://d34j62pglfm3rr.cloudfront.net/downloads/Annexe+1.1+GEMS_012_20210223_Relaxations.pdf n’offre pourtant aucune perspective de retrait de ces mesures à court terme !
Espérer obtenir à nouveau l’adhésion de la population à de telles restrictions, par des campagnes de communication, régulièrement fondées sur une rhétorique de la peur ou de la répression non responsabilisante, est illusoire. Imposer le respect de telles mesures par une politique de menaces, des contrôles policiers, des sanctions … est disproportionné. De plus, cela entraîne un impact sur la précarité et la santé mentale. Ces facteurs fragilisant notoirement l’état de santé de base des individus, cette stratégie est donc contreproductive quant à la santé publique et la mortalité future 7https://covidrationnel.be/2021/03/03/les-mesures-de-lutte-contre-le-covid-19-ont-aussi-des-couts-elles-pesent-de-facon-disproportionnee-sur-les-pauvres-et-les-vulnerables/.
Il est bien connu dans la littérature 8https://bmchealthservres.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12913-017-2031-8, … Continue reading qu’on ne peut maintenir l’adhésion qu’en ayant une communication claire et transparente sur les objectifs, les bénéfices attendus, mais aussi les coûts et risques d’une politique. Cette réflexion est également valable pour la politique de vaccination 9 https://www.acpjournals.org/doi/10.7326/M20-8008, https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)32642-8/fulltext. Il convient au contraire de rechercher la participation citoyenne la plus large pour que tout un chacun s’approprie les mesures sanitaires et les applique correctement.
Comme pour les alertes météorologiques, les citoyens pourraient parfaitement comprendre qu’afin de rencontrer des objectifs réalistes de gestion sanitaire, il convient de redoubler d’attention et de limiter leurs contacts sociaux à risques quand “les indicateurs dérapent” ou que “le baromètre est mauvais”, à condition de lever cette alerte et les mesures de restriction qui l’accompagnent quand la vague épidémique est passée.
5. Un testing aléatoire
Tester les personnes symptomatiques ou ayant été en contact avec des personnes malades via le test classique naso-pharyngé et PCR ne permet pas de faire un suivi du nombre de citoyens infectés dans la population. En effet, si l’on teste uniquement les personnes à risque (symptômes, cas-contact, retour de zone rouge, etc.), le pourcentage de positivité sera plus élevé que dans la population générale. On pourrait penser que ce “taux de positivité sur les personnes-contacts ou symptomatiques” pourrait néanmoins être un bon proxy pour la prévalence de la population générale. Il est probable qu’il n’en soit rien:
- La définition de “personne à risque/personne contact/…” change en permanence. Elle est dépendante de facteurs extérieurs: retours de voyages, résultats aléatoires du tracing, campagnes de testing ciblées dans les écoles ou maisons de repos … Un nombre variable de personnes se font tester, avec une probabilité plus ou moins grande d’être infectées.
- Le taux de positivité est aussi interdépendant du nombre de tests. Considérons un exemple extrême: Si une population donnée compte 2000 symptomatiques, ces personnes étant testées en priorité, les 2000 premiers tests auront un taux de positivité de 100%, puis le taux descendra petit à petit vers le taux réel de la population au fur et à mesure que le nombre de tests augmente.
Le taux de positivité, tel que calculé actuellement, est donc fortement biaisé et difficile à interpréter, forçant à se rabattre sur un indicateur plus fiable mais qui réagit plus lentement, celui des hospitalisations.
Un testing sélectionnant aléatoirement un échantillon représentatif (en minimisant les biais éventuels, dus aux refus, aux non-présentations, etc. et en prenant en compte l’hétérogénéité de la population: âge, genre, type d’habitat, milieu social, etc.) permettrait de connaître la prévalence réelle et de mieux anticiper une reprise de l’épidémie. Ces résultats auraient une efficacité statistique bien plus forte que ceux dont nous disposons actuellement et ce, à moindre coût. Le tableau ci-dessous donne une évaluation du nombre de tests à effectuer pour estimer la prévalence. On constate que lorsque la prévalence est faible, le nombre d’échantillons est plus important. Cela est dû au fait que la marge d’erreur des tests devient non-négligeable par rapport à la prévalence à estimer. Néanmoins, pour des prévalences raisonnables, de l’ordre de 0,5% ou plus, le nombre de tests est raisonnable, et pourrait même être organisé de manière quotidienne.
Prévalence | Précision (intervalle de confiance à 95%) | Nb de tests requis |
---|---|---|
0.2% | 0.1 – 0.3% | 21615 |
0.5% | 0.3 – 0.7% | 8980 |
1% | 0.6 – 1.4% | 3726 |
5% | 4.0 – 6.0% | 2422 |
Ces chiffres sont largement accessibles à l’échelle de la Belgique. Certains sont d’ailleurs atteignables à des échelles plus petites (comme celle des universités et des grandes entreprises; à noter que pour de telles petites communautés, ces chiffres constituent seulement une borne supérieure). Evidemment, cela demande une organisation qui peut être conséquente (vraie sélection aléatoire, correction pour les refus, etc.) mais qui nous semble largement faisable au vu des efforts investis jusqu’à maintenant dans la lutte contre le virus.
6. Limiter les dommages collatéraux des mesures
Les mesures actuelles ont pour but de faire respecter les gestes barrières au sein de la population afin de limiter la transmission du virus. Si l’efficacité des gestes barrières dans la prévention de la propagation d’une maladie contagieuse est clairement reconnue, la nécessité de certaines des mesures de confinement pour faire respecter ces gestes barrières est loin d’être évidente. A contrario, ces mesures ont des effets collatéraux parfois désastreux qui ont été jusqu’ici négligés ou considérés comme inévitables.
Prioritairement, l’attention devrait être portée sur l’augmentation significative de la précarité et des troubles de la santé mentale. Rappelons que ces problèmes ont un impact important sur la mortalité elle-même (voir ces articles/références: 10https://covidrationnel.be/2021/03/03/les-mesures-de-lutte-contre-le-covid-19-ont-aussi-des-couts-elles-pesent-de-facon-disproportionnee-sur-les-pauvres-et-les-vulnerables/, … Continue reading). Les vies sauvées du Covid ne peuvent pas être payées par davantage de vies perdues en tant qu’effets collatéraux des mesures, ce qui semble actuellement être un risque bien réel. Il est urgent que les principes de précaution pris dans la lutte contre le Covid-19 soient aussi appliqués à la lutte contre la précarité et les maladies mentales, entre autres.
Concrètement et prioritairement, l’ensemble des citoyens devrait pouvoir recommencer à travailler, moyennant le respect des gestes barrière, afin de pouvoir limiter leurs pertes financières et le risque de précarité mais aussi prévenir les maladies mentales. Dans le même but, la population doit également pouvoir retrouver un lien social suffisant : les étudiants doivent pouvoir retourner à l’école ou dans l’enseignement supérieur, les activités de groupes présentant peu de risques de transmission doivent être à nouveau autorisées. Finalement, des aides substantielles doivent être mises en place afin de pallier les dégâts déjà existants.
7. Monitorer la santé mentale
On entend de plus en plus de signaux inquiétants concernant la santé mentale, en particulier celle des jeunes, mais pas seulement.
Hélas, les chiffres relatifs à la santé mentale arrivent très tard en Belgique. Il est pourtant de simples indicateurs qui pourraient nous éclairer sur la situation. En effet, les mutuelles disposent des données de remboursement de certains médicaments ou de visites chez des spécialistes, pour lesquelles des statistiques peuvent être dressées sans danger pour la vie privée. Les demandes de consultations et d’hospitalisations sont en croissance importante et le manque de places entraîne un nombre de refus important. Il convient également d’instituer des psychologues sentinelles, ou des PMS d’écoles sentinelles qui pourraient fournir un état des lieux du terrain.
Enfin, les suicides ne peuvent plus rester un tabou et les statistiques doivent être mieux répertoriées dans le cadre de ce phénomène inquiétant. Pour plus d’informations quantifiées sur les dommages et décès liés aux mesures prises contre le covid 11https://covidrationnel.be/2021/03/03/les-mesures-de-lutte-contre-le-covid-19-ont-aussi-des-couts-elles-pesent-de-facon-disproportionnee-sur-les-pauvres-et-les-vulnerables/.
Un état des lieux de la santé mentale de la population permettrait de mieux estimer l’impact des mesures prises dans la lutte contre la propagation de l’épidémie et par conséquent, de suggérer si nécessaire des ajustements de celles-ci.
8. Tests salivaires et clusters
Outre les maisons de repos et de soins (MRS) et les écoles, depuis plusieurs mois, près de 35% des plus de 1500 clusters actifs toutes les semaines en Belgique se situent en entreprises. Leurs comités “sécurité et hygiène” ont-ils été suffisamment activés pour gérer détection, tracing, reporting et suivi, à un niveau local très efficace? D’autres collectivités sont également régulièrement touchées par l’émergence brusque de clusters. Tel est le cas des prisons: on a dénombré plus de 100 tests positifs à la prison de Namur le 27/02/21. Mentionnons encore les clusters hospitaliers nombreux, mais mal documentés dans les bases de données.
L’intérêt des tests PCR salivaires, tels que développés par l’Université de Liège, réside dans leur capacité de déploiement systématique au sein des collectivités et ce, en raison de leurs facilité et rapidité de prélèvement (en 24h), comparativement aux tests PCR naso-pharyngés. Ils sont moins invasifs tout en présentant une sensibilité similaire 12 … Continue reading. Ils semblent avoir eu un effet bénéfique sur les clusters en MRS en Wallonie. Depuis leur introduction, mi-novembre 2020, des chutes significatives des cas, hospitalisations et décès ont pu y être progressivement constatées et ce, avant le début de la vaccination. La Flandre a, quant à elle, choisi d’utiliser les tests salivaires pour détecter les clusters dans les écoles, avant la Wallonie.
Au vu de ces succès dans la gestion de l’épidémie, pourquoi ne pas généraliser l’utilisation des tests salivaires, de 2 à 3 fois plus rapides et moins chers que les PCR naso-pharyngés, pour la détection des clusters dans les collectivités et plus généralement, dans l’entourage de personnes à risque? En effet, les échantillons salivaires ne nécessitent pas de personnel qualifié pour leur prélèvement, et sont donc beaucoup plus rapides à mettre en œuvre en cas de découverte d’un cluster, par une équipe mobile directement au sein d’une école ou une entreprise par exemple, sans attendre que toutes les personnes concernées se déplacent, en nombre, jusqu’à une antenne médicale de prélèvement naso-pharyngé.
9. La généralisation de la surveillance des eaux usées
A l’image d’autres pays, Sciensano a lancé un projet national de surveillance du SARS-CoV-2 par PCR des eaux usées visant la détection précoce de toute évolution sensible de la circulation du virus dans la population, depuis juin en Wallonie, et depuis septembre en Flandre 13https://covid-19.sciensano.be/sites/default/files/Covid19/COVID-19_Projet%20national%20de%20surveillance%20du%20SARS-CoV-2%20dans%20les%20eaux%20us%C3%A9es_FR.pdf. Deux fois par semaine, 42 prélèvements d’eaux usées (collectés en entrée de stations d’épuration) sont analysés 14https://www.sciensano.be/fr/coin-presse/covid-19-surveillance-des-eaux-usees. De premiers résultats prometteurs ont fuité dans la presse, mais sont encore en phase de consolidation, avec une publication officielle espérée dans quelques semaines seulement.
L’OMS a néanmoins déjà publié un rapport complet sur le sujet 15 … Continue reading. Ce rapport établit clairement que la surveillance systématique des eaux usées est un outil utile et complémentaire pour la détection précoce de l’introduction du virus dans des endroits et à des moments précis, ainsi que le suivi de tendances dans la prévalence, permettant des mesures réactives rapides, avec plusieurs jours d’avance par rapport à la détection d’une augmentation des tests PCR naso-pharyngés positifs.
Pourtant, aujourd’hui encore, les autorités gouvernementales belges ont des difficultés à obtenir les résultats de cette surveillance 16 … Continue reading. N’est-il pas vraiment temps d’accélérer le tempo quand on continue à agiter, sans preuve, des risques de “3ème vague” ?
10. Tests rapides antigéniques (ou Ag)
Il a été démontré que la contagiosité dépend de la charge virale, ce qui a conduit à la discussion des “faux positifs” résultant de l’ultra-sensibilité des tests PCR naso-pharyngés, et à une polémique quant au nombre maximal de cycles d’amplification à ne pas dépasser pour limiter cet effet (recommandations dont le résultat n’est pas appliqué en Belgique 17https://covid-19.sciensano.be/sites/default/files/Covid19/20201208_Advice%20RAG%20Interpretation%20and%20reporting%20of%20COVID%20PCR%20results.pdf à notre connaissance). De plus, selon Sciensano, le délai moyen entre les premiers symptômes et la disponibilité du résultat du test est de 4 jours, autant dire une éternité sur le plan de la contagiosité.
Les tests antigéniques (ou Ag), au lieu de repérer de l’ARN viral, recherchent des protéines liées au virus lui-même (par exemple la fameuse protéine Spike utilisée pour les vaccins). Il n’y a pas d’amplification dans ce cas. Par définition, ces tests sont donc moins sensibles. Il faudra une certaine quantité de virus pour rendre le test positif. La figure ci-dessous indique que les tests antigéniques sont en effet particulièrement efficaces lors d’une charge virale forte, c’est-à-dire, en fait, exactement quand la personne est la plus contagieuse.
Ce manque de sensibilité semble être un frein à leur utilisation généralisée en Belgique. Contrairement à d’autres pays 18https://www.gov.uk/government/news/all-households-with-children-of-school-aged-to-get-rapid-covid-19-tests-per-person-per-week, … Continue reading, en Belgique les tests Ag sont uniquement autorisés chez les médecins généralistes.
Pourtant, cette spécificité des tests Ag peut constituer un avantage 19https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.06.22.20136309v3.full.pdf. En effet, les cas positifs correspondent précisément aux individus contagieux, comme le montre la figure ci-dessous. Ces tests, consistant en un frottis nasal et/ou un prélèvement salivaire qui peuvent être fait soi-même, sont facilement accessibles, fréquents et rapides dans leur réponse (15 à 30 minutes). Ils devraient être prioritaires dans une surveillance épidémiologique 20https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(21)00425-6/fulltext. Leurs avantages dépassent en fait les désavantages d’une moindre sensibilité.
Figure : Fenêtre de contagiosité repérée par les test antigéniques (Mina et al., 2020, https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMp2025631)
L’utilisation massive de tests rapides antigéniques fera changer quatre paradigmes importants dans la conscience collective depuis le début de la crise sanitaire. Ainsi, l’utilisation de tests Ag permettra :
- de diminuer la confusion entretenue entre une PCR positive et un cas réel de contamination (voire une personne malade) 21https://covid-19.sciensano.be/fr/procedures/rt-pcr-0. Ici, une personne testée positive au test antigénique est certainement contagieuse et doit se mettre en isolement immédiatement.
- un contrôle décentralisé de l’épidémie car, au contraire des tests PCR naso-pharyngés dont les résultats sont communiqués à Sciensano par exemple, les résultats des tests individuels ne seront pas forcément collectés. Seuls les chiffres des visites médicales chez des médecins-vigies et les chiffres d’hospitalisations deviendront un indicateur de la progression de l’épidémie. C’est en fait ce qui se passe déjà avec les épidémies annuelles de grippe et la surveillance dite sentinelle.
- de se reposer sur la sagesse collective. La crainte que certaines personnes ne respectent pas les règles d’isolement s’applique à n’importe quel test. Par contre, des lieux de tests rapides pourraient être organisés à de nombreux endroits et tout le monde pourrait se rendre compte en temps réel de son état de santé.
- de diminuer le coût. Alors qu’un test PCR naso-pharyngé coûte près de 50 euros à l’INAMI, soit près d’un demi-milliards d’euros depuis mars 2020 2247,18 Euros le test (https://www.inami.fgov.be/fr/covid19/Pages/conditions-remboursement-tests-detection-coronavirus-pandemie-covid19.aspx) x 9.343.000 tests réalisés … Continue reading, les tests Ag rapides reviennent à quelques euros/pièce en grand volume.
11. Testing rétrospectif (ou backward)
Si tout le monde connaît désormais bien le fameux taux de reproduction R, qui indique combien de personnes sont contaminées en moyenne par une personne contagieuse, on sait beaucoup moins que le caractère de l’épidémie est en fait très inégal. Le taux R semble dire qu’une personne en contamine 3, mais en fait, la réalité est plutôt 1 personne qui ne contamine personne, 3 qui contaminent 1 personne chacun, et 1 qui en contamine 12. Avec ces chiffres, on se rend tout de suite compte qu’il est crucial de trouver la personne qui en a contaminé 12 lors de ce qu’on va appeler un super-événement. En gros, 80% des cas de contagions se passent dans seulement 20% des occasions23https://www.nature.com/articles/d41586-021-00460-x?utm_source=Nature+Briefing&utm_campaign=d15e33148b-briefing-dy-20210224&utm_medium=email&utm_term=0_c9dfd39373-d15e33148b-45689842. Les autres personnes testées positives ne sont en fait pas très importantes dans la dynamique de l’épidémie et donc son suivi. Cela se voit d’ailleurs dans le taux de positivité des cas contacts lors du tracing qui est de moins de 10%, ce qui est bien sûr plus que dans la population “normale”, mais finalement pas très élevé si on considère qu’il s’agit justement de cas contacts. 24https://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/fullarticle/2772238.
Dans un contexte de réouverture progressive des lieux publics (salles de sport, restaurants, salles de spectacle, etc.), il est important de pouvoir identifier les super-événements. Le tracing devrait donc plutôt se concentrer sur le super-événement, afin de pouvoir contacter les gens qui ont également assisté à ce super événement, grâce aux coordonnées laissées par les utilisateurs. C’est ce qu’on appelle le tracing “rétrospectif”, appliqué notamment au Japon. Au lieu de lister seulement vos cas contacts, on va rechercher en priorité à quelle occasion vous auriez pu être contaminé et ensuite, contacter rapidement les autres personnes qui ont assisté au même événement. Cette méthode de tracing est beaucoup plus pertinente compte tenu de l’hétérogénéité de la propagation 25https://www.nature.com/articles/d41586-020-03518-4.
Conclusion: des mesures différenciées en vue d’une perspective endémique
Comme le rappellent Nathan Clumeck et l’OMS, même avec une vaccination massive, nous devons sérieusement envisager que le virus ne va pas disparaître et persistera sous forme endémique 26https://plus.lesoir.be/354540/article/2021-02-11/carte-blanche-gestion-de-crise-ou-gestion-de-risque, … Continue reading. La vaccination ne va pas pouvoir être réalisée partout dans le monde et rapidement. Des variants vont continuer à émerger, de même que d’autres virus. Ceux qui sont le moins sensibles à certains vaccins vont devenir dominants. Les vaccins devront dès lors être perpétuellement adaptés. Il semble qu’une baisse d’efficacité soit déjà observée pour certains vaccins avec le variant sud-africain 27https://www.voanews.com/covid-19-pandemic/astrazeneca-vaccine-less-effective-versus-south-african-variant. Sous cette perspective, nous devons dès à présent envisager de vivre le plus normalement possible “malgré” et “avec” le virus. Les stratégies de type zéro-covid nécessitent des confinements forts, aveugles et réguliers, suivis d’un contrôle resserré de la population, ainsi qu’une synchronisation inter-pays qui n’a même pas été observée au niveau belge. Bien qu’en théorie attrayante, la stratégie zéro-covid est de notre point de vue utopique et non souhaitable dans le contexte d’interconnexion et de démocratie européenne 28https://www.bmj.com/content/370/bmj.m3410. Cet avis est également partagé par une partie du conseil scientifique français29https://www.thelancet.com/journals/lanpub/article/PIIS2468-2667(21)00036-0/fulltext qui plaide pour “une nouvelle approche basée sur un contrat social clair et transparent, fondé sur des données disponibles, et appliqué avec précision à des cibles générationnelles”.
Les mesures que nous avons proposées ici vont dans le sens de cette vision.
Auteurs (par ordre alphabétique):
- Emilie Corswarem (ULiège)
- Vinciane Debaille (ULB)
- Guillaume Derval (UCLouvain)
- Mélanie Dechamps (UCLouvain)
- Denis Flandre (UCLouvain)
- Raphael Jungers (UCLouvain)
- Vincent Laborderie (UCLouvain)
- Pierre-François Laterre (UCLouvain)
- Raphael Lefevere (Université de Paris)
- Quentin Louveaux (ULg)
- Irène Mathy (USaint-Louis_Bruxelles)
- Yves Moreau (KULeuven)
- Elisabeth Paul (ULB)
- Bernard Rentier (ULiège)
- Pierre Schaus (UCLouvain)
- Olivier Servais (UCLouvain)
- Erik Van den Haute (ULB)
Notes