De quoi meurent les Belges ?

Introduction

Dans le monde, le tabac tue chaque année 8 millions de personnes 1https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/tobacco, soit plus de trois fois plus que la Covid-19; la pollution atmosphérique en tue environ 7 millions 2https://www.who.int/health-topics/air-pollution#tab=tab_1; et environ un décès sur cinq, soit 11 millions de décès en 2017, sont dus à une mauvaise alimentation (excès de sucre, de sel et de produits transformés industriellement) 3https://www.reuters.com/article/us-health-diet-idUSKCN1RF2SV.

Dans cette note, nous tentons de mettre en perspective la Covid-19 par rapport aux autres causes de mortalité en Belgique. Il ne s’agit en rien de minimiser la Covid-19 comme pandémie, ni ses impacts sur la mortalité mais, plutôt, de mieux percevoir cette maladie en l’envisageant au sein d’un contexte plus large, l’objectif étant de déduire des leçons utiles à la politique sanitaire actuelle et à venir. 

La mortalité générale en Belgique

Mortalité générale (Sciensano)

Sciensano a récemment mis à jour son analyse de la mortalité générale par cause de décès en Belgique en 2017 4https://www.belgiqueenbonnesante.be/fr/etat-de-sante/mortalite-et-causes-de-deces/mortalite-generale-par-cause-de-deces. Après avoir donné quelques précisions méthodologiques sur l’attribution des décès à “une cause” (il y a généralement une cause initiale et des causes contributives ou indirectes), la distribution de la mortalité par causes de décès est présentée. Notons d’emblée qu’afin de tenir compte du vieillissement de la population et de l’augmentation de l’espérance de vie, et donc d’éliminer les variations qui pourraient provenir de différences dans la structure d’âges des populations, il est essentiel d’ajuster les taux de mortalité pour l’âge en faisant une moyenne pondérée des taux de mortalité par âge 5voir https://spma.wiv-isp.be/SitePages/Methods_mortality.aspx.

La distribution des causes de décès en 2017, groupées en chapitres selon la Classification Internationale des Maladies 10ème édition (CIM-10) de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et calculée par Sciensano sur la base de données de Statbel, par taux de mortalité ajusté pour l’âge en Belgique, montre que:

  • Chez les hommes: 27,3% des décès étaient dus à des tumeurs (cancers), 26,7% à des maladies du système circulatoire (comme les crises cardiaques et les AVC par exemple), 12,7% à des maladies du système respiratoire, 8,8% à des maladies mentales et neurologiques (par exemple la maladie d’Alzheimer). Au niveau des tendances, le taux de mortalité ajusté pour l’âge due aux maladies cardiovasculaires et respiratoires a considérablement diminué entre 2000 et 2017 (respectivement de 46% et 39%).
  • Chez les femmes: 27,2% des décès étaient dus à des maladies du système circulatoire, 25,1% à des tumeurs, 11,7% à des maladies mentales et neurologiques, 10,2% à des maladies du système respiratoire. Au niveau des tendances, le taux de mortalité ajusté pour l’âge due aux maladies cardiovasculaires et respiratoires a également diminué (respectivement de 47% et 22%).

Plus précisément, les trois principales causes spécifiques de décès classées en fonction de leur taux de mortalité ajusté pour l’âge étaient les suivantes en 2017 :

  • Chez les hommes: les cardiopathies ischémiques (maladies du coeur, dont l’infarctus), le cancer du poumon et les maladies cérébro-vasculaires (regroupées avec l’hypertension artérielle (HTA)) ;
  • Chez les femmes: la démence (incluant la maladie d’Alzheimer), les maladies cérébro-vasculaires (et HTA) et les cardiopathies ischémiques.

On constate toutefois des différences entre les trois régions du pays, les taux de mortalité ajustés pour l’âge étant supérieurs à Bruxelles et en Wallonie, comparés à la Flandre.

Sciensano a récemment mis à jour son analyse de la mortalité générale en Belgique entre 2000 et 2020. Il y a eu un peu moins de 109.000 décès, toutes causes confondues, en Belgique en 2019. Le taux brut de mortalité (c’est-à-dire, le nombre de décès enregistrés, dans le pays ou la région, divisé par la population correspondante) est resté assez stable de 2000 à 2019. Ainsi que déjà mentionné, il est important de standardiser le taux de mortalité par rapport à des facteurs qui l’influencent (âge, sexe) afin de “gommer” l’évolution de la structure de la population. Après ajustement pour l’âge, le taux de mortalité a diminué de 25% entre 2000 et 2019. Si le taux brut de mortalité est assez similaire entre les deux sexes, après ajustement pour l’âge, le taux de mortalité devient supérieur de 42% chez les hommes (1.099 pour 100.000) par rapport aux femmes (773 pour 100.000) en 2019. On observe aussi des disparités régionales, avec des taux de mortalité ajustés pour l’âge plus faibles dans la région flamande. Ces disparités régionales persistent 6https://www.belgiqueenbonnesante.be/fr/etat-de-sante/mortalite-et-causes-de-deces/mortalite-generale.

Les principales causes de décès et d’incapacité (GBD)

L’Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME) compile et analyse des données au niveau mondial sur le fardeau des maladies: le «Global Burden of Disease» (GBD) 7http://www.healthdata.org/. Cette source permet d’aller au-delà des données brutes sur la mortalité. Elle montre que les dix principales causes de décès ou d’invalidité (disability-adjusted life years – DALY) en Belgique en 2019 étaient, tous sexes confondus : (1) les cardiopathies ischémiques, (2) le cancer du poumon, (3) les douleurs lombaires, (4) les chutes, (5) les maladies pulmonaires obstructives chroniques, (6) les accidents vasculaires cérébraux (AVC), (7) les maux de tête, (8) le diabète, (9) la maladie d’Alzheimer et (10) l’automutilation. Toutefois, certaines de ces pathologies sont en très forte augmentation depuis dix ans, en particulier la maladie d’Alzheimer et le diabète qui ont augmenté de respectivement plus de 25% et 17% 8http://www.healthdata.org/belgium.

Les dix principaux facteurs de risques contribuant à la perte d’années de vie

Il est remarquable de constater que les dix principales causes de décès et d’invalidité relèvent principalement de maladies (dites) non transmissibles (MNT) – lesquelles sont, rappelons-le, collectivement responsables de près de 70% de l’ensemble des décès à l’échelle mondiale – et sont fortement liées à des facteurs de risque bien connus 9https://www.who.int/ncds/introduction/fr/. Le GBD a ainsi estimé que les dix principaux facteurs de risque contribuant au nombre total de DALY perdus en Belgique en 2019 étaient: (1) le tabac, (2) l’hypertension artérielle, (3) une glycémie à jeun élevée (causant le diabète notamment), (4) les risques liés à l’alimentation, (5) un indice de masse corporelle (IMC) élevé 10à noter que les Centers for Disease Control définissent le surpoids comme un indice de masse corporelle (IMC) compris entre 25 et 29,9 kg par mètre carré, et l’obésité comme un IMC de 30 ou … Continue reading, (6) l’alcool, (7) un taux élevé de LDL (cholestérol), (8) les risques professionnels, (9) les dysfonctions rénales et (10) la pollution atmosphérique. Notons que si certains de ces facteurs de risque régressent depuis dix ans, ce n’est pas le cas de la glycémie à jeun élevée qui s’est accrue de plus de 20% et de l’indice de masse corporelle élevé qui s’est accru de plus de 7% sur la même période 11http://www.healthdata.org/belgium. Une toute récente étude de Sciensano indique ainsi qu’en mars 2021, l’IMC moyen des Belges âgés de 18 ans et plus est de 26,2, ce qui est significativement plus élevé que celui observé en 2018 (25,5), et ceci même après standardisation pour l’âge, le sexe et le niveau d’éducation 12https://www.sciensano.be/sites/default/files/report6_covid-19his_fr.pdf

Toutes les maladies, ou presque, sont transmissibles

Si les maladies dites contagieuses ou transmissibles (telles que les épidémies virales) font souvent plus peur au citoyen lambda que les maladies dites non transmissibles (qui pourtant causent, de loin, le plus de décès), la frontière entre les deux est bien plus poreuse qu’il n’y paraît. Un article paru il y a plus de vingt-cinq ans a mis le doigt sur les déterminants sociaux de la santé 13https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1338027/, qui ont fait l’objet d’une commission de l’OMS en 2008 14https://www.who.int/publications/i/item/WHO-IER-CSDH-08.1. Il est désormais bien connu que la santé des individus est très fortement influencée par leurs caractéristiques socio-économiques, y compris leur niveau de revenu et leur éducation. Ainsi par exemple, les personnes vivant dans la précarité sont plus susceptibles d’avoir des comportements nocifs pour la santé (tabac, malbouffe, etc.) et, conséquemment, d’être en mauvaise santé. Il y a  vingt-cinq ans également, Paul Farmer avançait même que les inégalités sociales étaient souvent à l’origine de l’émergence des maladies infectieuses 15https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/8969243/. Les preuves s’accumulent pour démontrer qu’il existe des épidémies voire une pandémie de maladies dites non transmissibles 16https://pure.au.dk/portal/da/persons/jens-seeberg(417d506f-2634-40e0-81e4-799acce9238b)/publications/can-epidemics-be-noncommunicable(e1be9535-9c13-4e18-acb9-2569c2cb7f35).html ; … Continue reading. On parle même depuis quelques années de “syndémie”, soit une synergie de pandémies qui se renforcent, pour évoquer la conjonction entre la malnutrition (au sens large), l’obésité et le changement climatique 17https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(18)32822-8/fulltext. L’éditeur en chef du Lancet n’hésite d’ailleurs pas à qualifier la Covid-19 de syndémie, concomitante à la pandémie de maladies dites non transmissibles 18https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)32000-6/fulltext. Dès lors, au-delà de la cause “directe” d’une maladie ou d’un décès, il est essentiel d’aller plus loin et de comprendre leurs facteurs de prédisposition.

Et la Covid-19 là-dedans ?

La surmortalité de 2020… et la sous-mortalité de début 2021

Afin d’éviter les risques de mauvaise comptabilisation des décès attribués à la Covid-19, qui varient d’un pays à l’autre, il est préférable d’observer les impacts de la pandémie au niveau de la mortalité générale, soit au niveau de la mortalité excessive ou surmortalité par rapport à ce qui était attendu. Ainsi, une étude internationale récente estime que la Belgique a sur-reporté les décès Covid-19, au sens qu’à la date du 21 mars 2021, il y avait environ 23.000 décès reportés comme dus à la Covid-19, contre une mortalité excessive de 16.000 décès, soit un sur-reportage de l’ordre de 44% 19https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.01.27.21250604v2.full.pdf.

En 2020, le nombre de décès toutes causes confondues a atteint un pic de plus de 127.000 décès en Belgique, tandis qu’un peu moins de 109.000 décès étaient reportés en 2019, le pic de 2020 marquant donc une augmentation de 16,5%. Il est indéniable que les taux de mortalité ont connu une augmentation importante liée à l’épidémie de Covid-19. Le taux brut de mortalité (non ajusté pour l’âge) s’est établi à 1.085 pour 100.000 pour les hommes, et à 1.096 pour 100.000 pour les femmes en 2020 – soit des taux bien plus élevés que ceux enregistrés au début des années 2000 (1.043 pour les hommes et 1.003 pour les femmes en 2000) et considérablement plus élevés que ceux enregistrés en 2019 (942 pour les hommes et 955 pour les femmes, soit une augmentation d’environ 15%). Une fois ajustés pour l’âge, les taux de mortalité apparaissent en augmentation plus marquée chez les hommes. Ainsi, le taux de mortalité ajusté pour l’âge s’est établi en 2020 à 1.271 pour 100.000 pour les hommes (soit un niveau comparable à celui de 2012) et à 880 pour 100.000 pour les femmes (niveau comparable à celui de 2008), soit une augmentation de respectivement 16% pour les hommes et de 14% pour les femmes, par rapport à 2019. En effet, la mortalité toutes causes confondues ajustée pour l’âge est près de 1,5 fois plus élevée chez les hommes que chez les femmes. Notons également des disparités régionales marquées au niveau des taux de mortalité ajustés pour l’âge, particulièrement pour les hommes: 1.135 pour 100.000 en Flandre, contre 1.455 à Bruxelles et 1.514 en Wallonie en 2020 20https://www.belgiqueenbonnesante.be/fr/etat-de-sante/mortalite-et-causes-de-deces/mortalite-generale.

Depuis le début de l’année 2021, en revanche, la mortalité attribuée à la Covid-19 est limitée (entre 16 et 64 décès par jour enregistrés entre le 01/01/2021 et le 12/04/2021). La Belgique connaît même une sous-mortalité, toutes causes confondues, par rapport à la mortalité attendue 21https://epistat.wiv-isp.be/momo/. Ceci pourrait probablement être dû à plusieurs raisons: un “effet moisson” ou “rattrapage inverse” des personnes fragiles qui seraient décédées prématurément au cours des deux premières vagues de Covid-19 (ou, éventuellement, qui seraient décédées en 2020 de la Covid-19 plutôt qu’en 2018-2019, qui a connu une épidémie de grippe saisonnière plus faible que d’habitude), ainsi que la vaccination des personnes âgées dans les maisons de repos, ou encore la généralisation des tests salivaires dans les maisons de repos en Wallonie dès novembre.

Figure 1: Moyenne sur 7 jours du nombre de décès quotidiens (en bleu) en Belgique, comparé à la moyenne attendue (courbe en gris), janvier 2020 – mars 2021 22Source: Covidata.be sur la base des données de Sciensano et Statbel http://www.covidata.be/deaths/covid

Tout le monde n’est pas égal face à la Covid-19: les facteurs de risque au niveau mondial

Le coronavirus SARS-CoV-2 interagit de façon complexe avec l’organisme humain pour provoquer – ou pas – la maladie Covid-19 23https://www.ijhpm.com/article_3972.html. La littérature scientifique internationale a identifié une série de facteurs de risque qui augmentent la probabilité de souffrir d’une forme sévère de la maladie, voire de décéder, une fois infecté. Ces facteurs s’entremêlent souvent et affectent la réaction immunitaire face au virus 24 … Continue reading. Ces principaux facteurs sont :

  • L’âge : le taux de létalité (infection fatality ratio) de la Covid-19 est extrêmement faible pour les jeunes (de l’ordre de 0,004% ou 4/100.000 avant 35 ans) mais augmente avec l’âge, et peut s’établir à 8,5% pour les 75-85 ans et même 28,3% au-delà de 85 ans 25https://academic.oup.com/heapol/advance-article/doi/10.1093/heapol/czaa161/6095794?searchresult=1.
  • Le sexe masculin : alors qu’il n’y a pas de différence dans la proportion d’hommes et de femmes présentant une Covid-19 confirmée, les patients de sexe masculin ont presque trois fois plus de chances de devoir être admis dans une unité de soins intensifs et 1,4 à 1,7 fois plus de probabilité de décéder que les femmes. Ceci serait dû notamment à davantage de facteurs de comorbidités ainsi qu’à des différences de réaction immunitaire 26 … Continue reading.
  • Les comorbidités : une étude américaine montre qu’aux USA, près d’un tiers (30,2%) des hospitalisations pour Covid-19 étaient attribuables à l’obésité, un quart (26,2%) à l’hypertension, un cinquième (20,5%) au diabète sucré et 11,7% à l’insuffisance cardiaque 27https://www.ahajournals.org/doi/full/10.1161/JAHA.120.019259. Une autre étude montre que les personnes obèses qui ont contracté le SARS-CoV-2 sont 113% plus susceptibles que les personnes de poids normal d’être hospitalisées (soit, elles ont plus de deux fois plus de risques), 74% plus susceptibles d’être admises dans une unité de soins intensifs et 48% plus susceptibles de décéder.
  • La prédisposition génétique: Les réponses inflammatoires consécutives aux attaques internes ou externes sont sous le contrôle de notre immunité. De nombreuses comorbidités liées à la Covid-19 subissent également cette influence. Certains types immunitaires relatifs au typage dit HLA (human leukocyte antigen) ont une propension plus ou moins élevée à subir une maladie grave, dont la Covid-19. Le typage HLA des patients à risque devrait dès lors être inclus dans les prises en charge des patients et l’analyse de la mortalité 28https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.12.31.20249081v1 ; https://www.ijidonline.com/article/S1201-9712(20)30560-9/fulltext
  • La pauvreté/l’appartenance à une strate socio-économique défavorisée : une autre étude américaine montre qu’une augmentation de 0,1 point d’un score de vulnérabilité socio-économique est associée à une augmentation de 14,3% du taux d’incidence et de 13,7% du taux de mortalité liés à la Covid-19 29 … Continue reading.
  • Un déficit nutritionnel : s’il n’existe à notre connaissance pas encore de preuve de l’efficacité de la supplémentation nutritionnelle comme traitement de la Covid-19, il n’en demeure qu’il existe des bases probantes suggérant que les personnes en déficit de certains nutriments ont plus de chances d’être immunodéprimées et de développer des formes sévères de la maladie. Ainsi, une étude estime que le risque relatif d’être testé positif à la Covid-19 est 1,77 fois plus élevé chez les patients dont le statut en vitamine D était probablement déficient que chez ceux dont le statut en vitamine D était probablement suffisant 30 … Continue reading. Une autre étude montre un effet encore plus marqué chez les populations afro-descendantes, mais pas chez les populations caucasiennes 31 … Continue reading.
  • Le fait de vivre dans une zone où l’atmosphère est polluée en particules fines 32https://www.theguardian.com/environment/2020/nov/04/tiny-air-pollution-rise-linked-to-11-more-covid-19-deaths-study.
  • Il semblerait également que le stress chronique soit un facteur aggravant 33https://www.vox.com/2020/9/3/21419902/covid-19-risk-factors-chronic-stress-racism-immune-system.
  • (Remarque : plusieurs études font également état d’importantes disparités ethniques dans le profil de contamination et de décès de la Covid-19, notamment aux USA, mais il semble qu’elles soient dues non pas à des facteurs purement ethniques, mais plus à des déterminants socio-économiques 34https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2773538.)

Le profil de la mortalité due à la Covid-19 en Belgique

Au 13 avril 2021, on dénombrait 23.503 décès officiellement attribués à la Covid-19 depuis mars 2020 35https://epistat.wiv-isp.be/covid/covid-19.html, soit un peu moins d’un cinquième de la mortalité constatée en 2020 36Rappelons qu’il s’agit là sans doute d’une estimation surévaluée de l’ordre de 40% … Continue reading. Il s’agit donc d’une proportion moindre que celle des cancers et des maladies du système circulatoire, qui comptaient chacune pour environ un quart des décès, en dehors des années de pandémie.

Le profil des personnes décédées de la Covid-19 en Belgique suit les tendances observées dans le monde. La grande majorité des personnes enregistrées comme décédées de la Covid-19 étaient (très) âgées: lors de la première vague, 54,4% des décédés de la Covid-19 avaient plus de 85 ans et lors de la deuxième vague, 50,6%; lors de la première vague, 28,8% avaient entre 75 et 84 ans et lors de la deuxième vague, 29,4%; lors de la première vague, seuls 5,8% avaient moins de 65 ans, et 6,8% lors de la deuxième vague 37Source: Covidata.be sur la base des données de Sciensano http://www.covidata.be/deaths/covid. La Figure 2 ci-dessous exprime la proportion des décès attribués à la Covid-19 (en rouge) dans les décès totaux par classe d’âge depuis le début de l’épidémie en Belgique. La Figure 3 montre le nombre cumulé de décès attribués ou non à la Covid-19 par tranche d’âge.

Figure 2: Proportion des décès attribués à la Covid-19 (en rouge) par rapport aux décès non-Covid-19 (en bleu) dans chaque tranche d’âge 38Source: Covidata.be sur la base des données de Sciensano et Statbel http://www.covidata.be/deaths/covid. Attention: l’échelle absolue n’est pas la même pour chaque tranche d’âge, la tranche d’âge 0-24 ans ayant enregistré 9 décès depuis le début de l’épidémie et la tranche d’âge 25-44, 109 décès, contre 12.209 décès pour la tranche d’âge des 85 ans et plus.

Figure 3: Nombre cumulé de décès attribués ou non à la Covid-19 par tranche d’âge en Belgique depuis le début de l’épidémie 39Source: Covidata.be sur la base des données de Sciensano et Statbel http://www.covidata.be/deaths/covid

Comme le laissent présager les déterminants sociaux de la santé, les deux régions les plus pauvres du pays (Bruxelles et la Wallonie) comptent le plus de décès attribués à la Covid-19 par 100.000 habitants que la Flandre – et ceci en dépit du fait que la Flandre compte plus de personnes âgées et une plus forte densité de population.

Figure 4: Nombre de décès attribués à la Covid-19 par 100.000 habitants, par région du pays 40Source: Covidata.be sur la base des données de Sciensano et Statbel http://www.covidata.be/deaths/covid.

Enfin, comme attendu sur la base de la littérature scientifique internationale, une étude de Sciensano réalisée après la première vague montre que près des trois quarts des patients hospitalisés pour la Covid-19 souffraient d’au moins une comorbidité telle que l’hypertension artérielle (39,5%), une maladie cardiovasculaire (33,9%) ou le diabète (21,5%) 41https://covid-19.sciensano.be/sites/default/files/Covid19/COVID-19_THEMATIC%20REPORT_COVID-19%20HOSPITALISED%20PATIENTS_FR.pdf.

Conclusion

Notre analyse remet l’épidémie de Covid-19 en Belgique en perspective avec les autres causes de morbi-mortalité, l’objectif étant de déduire des leçons utiles à la politique sanitaire actuelle et à venir. Trois conclusions nous apparaissent importantes à tirer :

  • La Covid-19 ne constitue pas la plus grande cause de mortalité en Belgique. Il serait dès lors grand temps d’élargir le champ de la politique sanitaire belge, de sensibiliser les populations aux maladies dites non transmissibles et de développer des stratégies de santé publique adéquates pour y répondre.
  • Le risque de mourir d’un individu – quelle qu’en soit la cause directe, y compris la Covid-19 – est en grande partie lié à des déterminants sociaux et à des facteurs de risque bien connus. Promouvoir l’éducation, le sport, l’accès aux soins, s’attaquer à la précarité, au tabagisme, au stress, à la malbouffe (y compris les déficits nutritionnels et l’obésité) doivent être des priorités et permettront de sauver bien davantage de vies que les seules mesures actuelles de limitation de la propagation du SARS-CoV-2. Maintenant que nous savons de quoi sont capables nos autorités et “leur équipe de 11 millions” pour préserver la santé des Belges et les capacités hospitalières, encourageons-les à adopter des mesures politiques ciblées permettant d’améliorer globalement la santé des populations.
  • La stratégie de lutte contre la Covid-19 doit prendre en compte les comorbidités de façon globale. Il s’agit non seulement de les intégrer comme outils de ciblage des populations vulnérables et de leviers d’action pour réduire le risque de développer une forme sévère de la maladie (à travers la première ligne de soins), mais aussi de veiller à ce que les mesures de riposte à la Covid-19, telles que certaines mesures de confinement, n’accroissent pas les comorbidités responsables de la majeure partie des décès en Belgique (sédentarité, malbouffe, stress, addictions, etc.). Ne pas le faire reviendrait à considérer que les personnes susceptibles de décéder de la Covid-19 “compteraient plus” que les autres et devraient être protégées davantage que d’autres personnes à risque. En d’autres termes, le choix des mesures de riposte à la Covid-19 devrait veiller à ce que les bénéfices retirés au niveau de la maîtrise de l’épidémie ne soient pas (plus que) compensés par l’augmentation, à moyen terme, des autres causes de morbi-mortalité. A titre d’exemple, la sédentarité ou certaines addictions se sont notoirement accrues depuis le début de la crise 42https://www.msn.com/fr-fr/actualite/france/covid-19-%C3%A0-cause-dune-crise-qui-s%C3%A9ternise-les-addictions-se-renforcent/ar-BB1frGe3 ; … Continue reading. La toute récente étude de Sciensano sur les impacts de la crise sur la santé des Belges révèle également qu’un an après l’introduction des mesures de restrictions, une grande partie de la population déclare que son poids a augmenté (42% des adultes) 43https://www.sciensano.be/sites/default/files/report6_covid-19his_fr.pdf

Auteurs:

  • Elisabeth Paul, ULB
  • Pierre Schaus, UCLouvain
  • Mélanie Dechamps, UCLouvain
  • Olivier Servais, UCLouvain

Avec la participation de:

  • Denis Flandre, UCLouvain
  • Martin Zizi, ex-KULeuven et ex-VUB
  • Vinciane Debaille, ULB

Notes

Notes
1 https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/tobacco
2 https://www.who.int/health-topics/air-pollution#tab=tab_1
3 https://www.reuters.com/article/us-health-diet-idUSKCN1RF2SV
4 https://www.belgiqueenbonnesante.be/fr/etat-de-sante/mortalite-et-causes-de-deces/mortalite-generale-par-cause-de-deces
5 voir https://spma.wiv-isp.be/SitePages/Methods_mortality.aspx
6, 20 https://www.belgiqueenbonnesante.be/fr/etat-de-sante/mortalite-et-causes-de-deces/mortalite-generale
7 http://www.healthdata.org/
8, 11 http://www.healthdata.org/belgium
9 https://www.who.int/ncds/introduction/fr/
10 à noter que les Centers for Disease Control définissent le surpoids comme un indice de masse corporelle (IMC) compris entre 25 et 29,9 kg par mètre carré, et l’obésité comme un IMC de 30 ou plus) https://www.sciencemag.org/news/2020/09/why-covid-19-more-deadly-people-obesity-even-if-theyre-young ; vous pouvez calculer votre IMC ici: https://www.imc.fr/
12, 43 https://www.sciensano.be/sites/default/files/report6_covid-19his_fr.pdf
13 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1338027/
14 https://www.who.int/publications/i/item/WHO-IER-CSDH-08.1
15 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/8969243/
16 https://pure.au.dk/portal/da/persons/jens-seeberg(417d506f-2634-40e0-81e4-799acce9238b)/publications/can-epidemics-be-noncommunicable(e1be9535-9c13-4e18-acb9-2569c2cb7f35).html ; https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27886846/
17 https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(18)32822-8/fulltext
18 https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)32000-6/fulltext
19 https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.01.27.21250604v2.full.pdf
21 https://epistat.wiv-isp.be/momo/
22, 38, 39, 40 Source: Covidata.be sur la base des données de Sciensano et Statbel http://www.covidata.be/deaths/covid
23 https://www.ijhpm.com/article_3972.html
24 https://www.scientificamerican.com/article/why-some-people-get-terribly-sick-from-covid-19/?utm_source=Nature+Briefing&utm_campaign=2dc8b44334-briefing-dy-20200901&utm_medium=email&utm_term=0_c9dfd39373-2dc8b44334-45689842
25 https://academic.oup.com/heapol/advance-article/doi/10.1093/heapol/czaa161/6095794?searchresult=1
26 https://www.nature.com/articles/s41467-020-19741-6?utm_source=Global+Health+NOW+Main+List&utm_campaign=c3bc2e853e-EMAIL_CAMPAIGN_2020_12_09_02_31&utm_medium=email&utm_term=0_8d0d062dbd-c3bc2e853e-865935#Abs1 ; https://science.sciencemag.org/content/371/6527/347
27 https://www.ahajournals.org/doi/full/10.1161/JAHA.120.019259
28 https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.12.31.20249081v1 ; https://www.ijidonline.com/article/S1201-9712(20)30560-9/fulltext
29 https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2775732?utm_source=silverchair&utm_medium=email&utm_campaign=article_alert-jamanetworkopen&utm_content=wklyforyou&utm_term=012921
30 https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2770157?utm_source=silverchair&utm_medium=email&utm_campaign=article_alert-jamanetworkopen&utm_term=mostread&utm_content=olf-widget_12042020
31 https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2777682?utm_source=silverchair&utm_medium=email&utm_campaign=article_alert-jamanetworkopen&utm_content=wklyforyou&utm_term=031921
32 https://www.theguardian.com/environment/2020/nov/04/tiny-air-pollution-rise-linked-to-11-more-covid-19-deaths-study
33 https://www.vox.com/2020/9/3/21419902/covid-19-risk-factors-chronic-stress-racism-immune-system
34 https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2773538
35 https://epistat.wiv-isp.be/covid/covid-19.html
36 Rappelons qu’il s’agit là sans doute d’une estimation surévaluée de l’ordre de 40% https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.01.27.21250604v2.full.pdf?fbclid=IwAR2kbIeYxAP6zyHS4b_VJiOMtKuXiZav_JvdC70KjdjuOkyUQZ_mW8Z__zk
37 Source: Covidata.be sur la base des données de Sciensano http://www.covidata.be/deaths/covid
41 https://covid-19.sciensano.be/sites/default/files/Covid19/COVID-19_THEMATIC%20REPORT_COVID-19%20HOSPITALISED%20PATIENTS_FR.pdf
42 https://www.msn.com/fr-fr/actualite/france/covid-19-%C3%A0-cause-dune-crise-qui-s%C3%A9ternise-les-addictions-se-renforcent/ar-BB1frGe3 ; https://www.lalibre.be/planete/sante/trop-de-belges-sombrent-dans-la-spirale-de-sedentarite-les-cardiologues-les-invitent-a-bouger-sans-tarder-60741d27d8ad5847ae27d1cd

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