Que le contrôle de l’épidémie de SARS-CoV-2 nécessite une stratégie de dépistage de masse est largement reconnu au niveau mondial 1https://apps.who.int/iris/rest/bitstreams/1323285/retrieve. Pour être efficace, une telle stratégie doit remplir trois critères : détecter un maximum de personnes contagieuses, les isoler le plus rapidement possible, à un coût total efficient 2Alors que l’efficacité dénote de la capacité à atteindre ses objectifs, l’efficience introduit la notion du rapport entre résultats produits et ressources utilisées pour ce faire; il … Continue reading et soutenable 3C’est-à-dire, qui pourra continuer à être pris en charge par la collectivité sur le plus long terme.. Dans cette note technique, nous commençons par expliquer le raisonnement qui devrait soutenir la politique de détection du SARS-CoV-2. Ensuite, nous montrons les limites de la stratégie actuellement appliquée en Belgique, pour enfin proposer une stratégie beaucoup plus efficace et efficiente.
Les données cliniques et la rapidité du dépistage sont primordiales.
Des modèles épidémiologiques établissent en effet que détecter et isoler 60% des personnes contagieuses ou malades en moins de 24h limite plus efficacement la propagation du virus 4https://journals.plos.org/ploscompbiol/article?id=10.1371/journal.pcbi.1008388#sec001 5https://www.acpjournals.org/doi/full/10.7326/M21-0510 que détecter et isoler plus de 80 % de ces personnes en plus de 3 jours.
Cependant, il nous faut également différencier les personnes qui présentent des symptômes, des autres, car cette différence CLINIQUE est cruciale pour le choix et l’interprétation des tests. En effet, confirmer un diagnostic chez une personne malade ou symptomatique n’est pas la même chose que de trier des personnes qui pourraient devenir malades (pré-symptomatiques) ou non (asymptomatiques).
Deux types de test de détection virale sont disponibles 6Nous ne traiterons pas ici des tests de type sérologique permettant de mesurer les anticorps (Ab) produits suite à une infection au SARS-CoV-2 ou à la vaccination. : d’une part, les tests TAAN (tests d’amplification des acides nucléiques par Polymerase Chain Reaction, dite PCR, ou, plus précisément ici Reverse-Transcribed, RT-PCR 7La technique de PCR (polymerase chain reaction), bien connue pour son utilisation dans les recherches et/ou identification d’ADN en médecine légale, repose sur l’amplification in vitro de … Continue reading) et d’autre part, les tests antigéniques (ou Ag, basés la détection de protéines du virus par des anticorps inclus dans un ‘Lateral Flow Device’ 8comme pour les tests de grossesse, une ligne apparaît à un endroit déterminé si le test est positif, à un autre endroit si le test est négatif mais a été réalisé correctement : … Continue reading).
Aucun test n’est un “golden standard” absolu, car tout dépend toujours du type d’information recherchée, et la gestion de toute crise demande bien sûr différentes informations.
Le Tableau 1 synthétise et compare les points forts et faibles des tests PCR et Ag que nous détaillons ci-dessous.
Type de Test | Points Forts | Points faibles |
RT-PCR 9https://www.thelancet.com/journals/laninf/article/PIIS1473-3099(04)01044-8/fulltext | Détecte le virus par la présence de gènes viraux Sensibilité très élevée En laboratoire ou hôpital | Détecte également du virus non infectieux: en quantité trop faible ou dégradé Procédure longue, peu compatible avec un testing de grands nombres Très coûteux (équipements, main d’œuvre experte, charge de travail) |
Ag | Détecte la présence d’un antigène du virus qui déclenche l’infection Peu coûteux Solution Point-of-care 10C’est-à-dire sur le “lieu des soins”, médecin, centre de test ou hôpital, éventuellement pharmacie ou domicile. | Sensibilité plus basse mais adaptable (dépend de la calibration du test) Mesure seulement les charges virales significatives |
La notion de seuil pour être réellement contagieux doit être bien comprise
Les agents pathogènes – virus ou bactéries – vivent parmi nous. Nous ne tombons pas malades et ne pouvons devenir contagieux avec seulement quelques copies d’un tel agent.
Ce n’est donc pas la simple présence ou l’absence d’une particule virale du SARS-CoV-2 qui définit le risque, mais la quantité qui en est inhalée, et cette quantité varie également selon les endroits, qu’ils soient clos, ventilés ou en extérieur.
Par exemple, si nous testions par PCR la présence de staphylocoques dorés sur la peau de tous les Belges, nous obtiendrions autour de 30 à 66% de “cas positifs” 11https://academic.oup.com/cid/article/68/Supplement_3/S193/5428806 12https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4258870/ 13https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4546168/. Est-ce que nous avons autant de maladies de peau? Non bien sûr, la maladie dépend du contexte – une coupure, ou trop de sébum par exemple. C’est la même chose pour le SARS-CoV-2. Il faut qu’il puisse se développer en quantité suffisante à l’intérieur du corps humain pour infecter, voire rendre malade, la personne concernée.
La notion de seuil infectieux est bien connue et donc primordiale dans le choix, l’utilisation et l’interprétation des résultats d’un test. Disposer d’un test qui est positif au-dessus de ce seuil, mais reste négatif en-dessous de ce seuil est indispensable.
On a pu lire dans la presse que les tests doivent toujours être très sensibles pour ne pas manquer des personnes potentiellement contagieuses. En fait, un tel raisonnement est simpliste, car plus un test est sensible sous le seuil de détection, plus il induira des contagions potentielles là où il n’y en a pas. La question n’est donc pas la sensibilité absolue, mais celle qui est nécessaire et optimale pour l’objectif poursuivi.
Classiquement, ce seuil peut être défini par la culture du virus : on place l’échantillon collecté dans un milieu de culture et on regarde si le virus s’y développe. Cela permet de déterminer avec un grand niveau de confiance si la personne sur laquelle l’échantillon a été prélevé est contagieuse ou pas. Le problème est qu’il faut plusieurs jours pour obtenir un résultat de cette culture et voir si le virus s’y multiplie ou non.
C’est dans ce contexte qu’on a entendu dire que les tests Ag présentent une sensibilité inférieure aux tests PCR pour détecter des cas positifs au SARS-CoV-2. Pour en discuter et arriver à un choix optimal, il faut d’abord s’entendre sur un critère de comparaison qui doit se mesurer par rapport à un étalon de référence, tout en intégrant la notion primordiale du seuil nécessaire pour être réellement contagieux, ou en voie de l’être.
Ce critère de comparaison peut alors être établi sur base de la charge virale : on mesure par PCR quantitative 14https://biochimie.umontreal.ca/wp-content/uploads/sites/37/2015/07/qPCR.pdf le nombre de copies de l’ARN du virus présentes par millilitre (mL) de l’échantillon. De telles techniques de mesure très précises de cette concentration existent, mais sont trop lentes et coûteuses pour une utilisation de masse.
Ces mesures de référence peuvent être utilisées pour comparer les performances des tests Ag et PCR par rapport à la détection d’une personne contagieuse.
Cela a été fait en laboratoire et publié dans plusieurs articles scientifiques. On prépare des échantillons contenant des concentrations précises de charge virale : par exemple, de 100 millions de copies, jusqu’à 10 copies, par dilutions successives. Pour chacun des échantillons, on reproduit les trois tests (culture, Ag et PCR), un nombre suffisant de fois, pour obtenir une statistique de mesure fiable. Pour faire simple, nous l’appelerons la courbe de calibration, qui donne la moyenne et la variation des résultats de chaque test pour chaque charge virale. Dans le cas des cultures et tests Ag, le résultat est semi-quantitatif c.-à-d. que pour simplifier, il y a détection ou pas. Dans le cas des tests PCR, le résultat s’exprime par le nombre de cycles d’amplification des brins d’ARN viral nécessaires pour en détecter la présence; plus la charge virale est faible, plus le nombre de cycles pour la détecter doit être grand. La Figure 1 en présente une illustration schématique, représentative de la littérature scientifique.
Sur ces bases scientifiques bien établies, un article récent publié dans un journal scientifique et donc “revu par les pairs” 15https://www.acpjournals.org/doi/full/10.7326/M21-0422 étend, valide et confirme, de manière très complète, des résultats déjà disponibles mais de manière limitée (cfr. références reprises ci-dessous). En résumé,
- Les tests Ag utilisés donnent une réponse positive dans 95% des cas pour lesquels le virus se multiplie in vitro.
- Le nombre maximum de cycles de PCR correspondant aux cas de culture positive est proche de 25. En d‘autres mots, au-delà de 23-27 cycles de PCR, selon les labos, cela signifie que le virus contenu dans l’échantillon n’est pas suffisamment actif, ce qui implique quasi absence de risque et de contagiosité.
En recoupant ces résultats avec les courbes de calibration connues pour les tests PCR utilisés dans l’article, on peut déduire, avec une grande précision, que pour que le virus se développe en culture, la charge virale doit être supérieure à 100.000, voire 1 million de copies par mL. A nouveau, cela confirme les résultats de nombreux autres articles publiés dans des journaux scientifiques de référence, par exemple 16https://www.nature.com/articles/s41586-020-2196-x 17https://academic.oup.com/cid/advance-article/doi/10.1093/cid/ciaa1706/6105729 18https://academic.oup.com/cid/advance-article/doi/10.1093/cid/ciaa1491/5912603 19https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7830733/pdf/jcm-10-00328.pdf 20https://academic.oup.com/cid/advance-article/doi/10.1093/cid/ciaa1764/6018217?login=true 21https://academic.oup.com/cid/article/71/10/2663/5842165 22https://journals.asm.org/doi/10.1128/JCM.01068-20.
Quelle est l’implication de ces paramètres et résultats sur la stratégie de dépistage ?
- Les tests doivent être calibrés
Des tests Ag – disposant de la sensibilité nécessaire et optimale, c’est-à dire calibrés pour réagir à partir de charges virales de 100.000 à 1 million de copies du virus par mL – permettent de détecter en moins de 30 minutes et isoler en moins de quelques heures, les personnes réellement contagieuses, à un coût de quelques euros pièce. Selon nos 3 critères initiaux, c’est donc la solution de dépistage de masse la plus efficace et la plus fiable à notre disposition, pour contrôler une épidémie en détectant le plus grand nombre possible de personnes contagieuses, et pas des cas isolés 23https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736%2821%2900425-6/fulltext.
Pour illustrer cette problématique, on ne regarde pas une vague dans la mer au microscope, avec une haute résolution; c’est pourtant, à peu de choses près, ce que fait la PCR. Avec les tests Ag, on opte pour une vue plus large de la mer, et on prend la photo avec le plus grand nombre de pixels possible, même si dans le détail, la sensibilité est un peu moins bonne.
On peut ainsi calibrer un test Ag de manière à tirer parti de sa sensibilité propre pour qu’il reflète le vrai risque de contagiosité. Ceci est en fait un problème de biochimie bien connu et maîtrisé.
Les tests PCR devraient également tenir compte de cette notion de seuil de contagion. Le problème est que le nombre de cycles nécessaires pour arriver au seuil de charge virale infectieuse sera différent sur chaque équipement.
Utiliser la PCR sans courbes de calibration validées régulièrement, c’est comme faire des mesures sans le mètre de référence, avec un élastique différent à chaque endroit. Les résultats ne reflètent alors pas la réalité de l’épidémie, et cette mésestimation peut conduire à une gestion aveugle et à des mesures qui ne peuvent être que disproportionnées.
Ce seuil de charge virale correspond à la définition d’un « cas » positif, préconisée par l’OMS et en Belgique depuis le début de cette crise sanitaire : les résultats de tests montrant un nombre de particules virales (charge virale) inférieures à 100.000 copies d’ARN par mL ne doivent pas et ne peuvent pas être automatiquement comptabilisés comme vrais positifs 24https://covid-19.sciensano.be/fr/procedures/rt-pcr-0, ce ne sont pas des cas de maladie et ils ne sont pas contagieux de manière avérée. En effet, de telles charges virales très faibles ne présentent quasi aucun risque de transmission 25https://www.thelancet.com/journals/laninf/article/PIIS1473-3099%2820%2930985-3/fulltext?fbclid=IwAR3RVLjGrBRbApUPRT3Q15ewjd8E4Vg4S4nNxWwgYQW4O83PyuyKddtI6Jc.
De plus, comme le virus reste présent longtemps après une infection, tester des personnes sans symptômes crée de nombreuses fausses mesures car il peut aussi s’agir de traces d’une infection précédente et non d’un risque actuel. Et c’est là une différence significative. Mesurer la seule présence du virus est donc insuffisant et ne devrait autoriser aucune décision, clinique ou politique en matière de santé publique.
(inspirée notamment de 26https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMp2025631 et de 27https://www.nature.com/articles/s41576-021-00360-w) voir le visuel didactique détaillé en bas d’article
- Les tests doivent être utilisés au bon moment
Aujourd’hui, de nombreux articles (dont 28https://www.thelancet.com/journals/lanmic/article/PIIS2666-5247(20)30172-5/fulltext) traitent de l’évolution de la charge virale chez les personnes malades de la Covid-19. De manière synthétique, la période d’incubation est de 3-4 jours, les symptômes apparaissent dans les 5 jours de la contamination et durent environ 7 jours (dans les cas ne demandant pas une hospitalisation), la contagiosité de la personne infectée débute 1-2 jours avant les symptômes et s’étend pendant 7 à 10 jours; ensuite, des traces de virus persistent pendant les semaines qui suivent, mais n’apparaissent plus infectieuses, et donc les personnes sont non contagieuses.
La figure 2 schématise ce processus et positionne les seuils de détection des tests Ag calibrés pour détecter la contagiosité et des tests PCR calibrés afin de détecter la présence de l’ARN du virus chez des personnes qui deviennent symptomatiques après infection.
Les deux types de tests détecteront 95% des échantillons contagieux, mais la PCR poussée à un trop grand nombre de cycles retournera des tests positifs pour des personnes non contagieuses pendant des périodes de 2 à 4 fois plus longues dans la plupart des cas.
Inversement, si on teste des personnes non-symptomatiques de manière répétitive, il y a donc environ 6 fois plus de chances qu’une personne soit non contagieuse plutôt que contagieuse lorsque son test PCR est positif 29https://europepmc.org/article/MED/33484843.
De tous ces cas possibles, on peut alors estimer qu’en moyenne, dans l’état actuel de leur utilisation, seuls environ 25-50% des tests PCR positifs indiquent correctement un risque de contagion selon les seuils de nombre de cycles ou de charge virale établis ci-dessus 30 https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.05.06.21256289v1.full-text 31https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/healthandsocialcare/conditionsanddiseases/bulletins/coronaviruscovid19infectionsurveypilot/latest, voir dataset 32https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32442256/.
- Chaque test a une fenêtre d’utilisation optimale
En conséquence, si une personne présente des symptômes ou a un doute sur son risque de transmettre éventuellement le virus, commencer par des tests Ag est plus efficace, donne de meilleures informations, plus rapidement et à moindre coût (quelques euros).
- Si ce test Ag est négatif et si cette personne présente malgré tout des symptômes indicatifs de Covid-19, un test PCR sera alors nécessaire pour confirmer le diagnostic.
- Si une personne ne présente pas de symptômes, seulement un contact à risque élevé par exemple, alors des tests Ag seuls suffisent pour déterminer le risque de contagion. Si le premier test Ag est négatif, il devrait être répété à quelques jours d’intervalle.
- En cas de test Ag positif et donc, de risque de contagion, cela permet de prendre une décision d’isolement de la personne et de tracing de ses contacts en moins de 30 minutes.
Par contre, utiliser les tests PCR comme outil de dépistage de masse sur des personnes sans symptômes présente des inconvénients majeurs. 33https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(21)00425-6/fulltext?fbclid=IwAR3PxCfx61ke1qYhlIScNHNVRBuJELMtFfEqyvC3dbYohyjj-QqKE057lIU 34https://www.bmj.com/content/371/bmj.m4851.
En effet, selon les trois critères d’efficacité définis plus haut,
- Le délai pour obtenir les résultats d’un test PCR naso-pharyngé est, en moyenne, selon Sciensano, de 3 à 4 jours comptés depuis l’apparition des premiers symptômes ou le tracing d’un contact à risque, à l’obtention d’une consultation médicale ou d’une ordonnance de test, au déplacement au centre de prélèvement, au transfert de l’échantillon au laboratoire, à la réalisation de la mesure, à la communication du résultat, et l’isolement de la personne 35https://covid-19.sciensano.be/sites/default/files/Covid19/COVID-19_Weekly_report_FR.pdf, p. 16.
- Le coût d’un test PCR est de l’ordre de 50 euros pour l’INAMI. A ce jour, le budget total consacré à la réalisation de ces tests en Belgique depuis mars 2020 a dépassé le demi-milliard d’euros.
- La sensibilité supérieure des tests PCR à de faibles charges virales donne une mesure faussée des infections et du risque épidémique. En effet, les courbes de calibration, c.-à-d. pour rappel, le nombre de cycles d’amplification correspondant à la charge virale, doivent, selon les recommandations internationales, être établies et documentées pour chaque équipement dans chaque laboratoire, et refaites régulièrement. A défaut, il n’est pas possible de placer un seuil sur le nombre de cycles correspondant à la définition d’un cas positif. Pousser le nombre de cycles à plus de 25-27, en dehors de l’établissement d’un diagnostic médical précis, donne un résultat non-informatif. Le RAG belge (Risk Assessment Group) recommande, contrairement à Sciensano, de comptabiliser comme positifs des cas correspondant à des charges virales très faibles (par exemple de 1000 copies par mL, inférieures à la limite de détection fiable de certains équipements), de manière à tout de même en faire le tracing 36https://covid-19.sciensano.be/sites/default/files/Covid19/20201208_Advice%20RAG%20Interpretation%20and%20reporting%20of%20COVID%20PCR%20results.pdf. C’est inefficace puisque l’on consacre des moyens à faire une recherche et des tests sur des personnes à très faible risque de contagion, au lieu de se concentrer sur les foyers les plus importants. De plus, cela conduit à répandre des indications erronées auprès de la population. Des personnes non contagieuses sont isolées sans raison, ce qui représente un coût important pour la personne et la société. En outre, ces personnes peuvent croire, à tort, qu’elles ont contracté la maladie COVID-19 et seraient donc immunisées. De nombreuses personnes ne comprennent pas non plus pourquoi elles sont testées positives une deuxième fois, plusieurs semaines après la première fois. Autrement dit, un test PCR positif ne signifie pas forcément qu’une personne est contagieuse, et encore moins malade, mais (à défaut de communiquer le nombre de cycles de PCR effectués par rapport à la courbe de calibration du laboratoire) que la personne était, au moment du test, porteuse d’une quantité indéfinie de particules virales, sans plus.
Une implication importante de toutes ces études concerne le testing de masse indiscriminé, à éviter hors période épidémique 37https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7850182/ 38https://www.bmj.com/content/371/bmj.m4954.full, c.-à-d. par exemple, quand l’incidence hebdomadaire est inférieure à 100 personnes infectées pour 100000. En effet, si celles-ci sont détectées par des tests PCR non calibrés pour le seuil de contagion, en supposant que 100000 tests soient réalisés en une semaine en Belgique, 100 seront classés positifs, mais parmi eux, plus de 50 ne seront pas contagieux dans le cas des adultes et jusqu’à 75 dans le cas des enfants.
L’Agence suédoise de la santé publique a d’ailleurs récemment modifié ses critères pour évaluer l’absence d’infection à la Covid-19 : “La technologie PCR utilisée dans les tests de détection des virus ne peut pas faire la distinction entre les virus capables d’infecter les cellules et les virus qui ont été neutralisés par le système immunitaire et, par conséquent, ces tests ne peuvent pas être utilisés pour déterminer si une personne est contagieuse ou non.” 39http://www.folkhalsomyndigheten.se/publicerat-material/publikationsarkiv/v/vagledning-om-kriterier-for-bedomning-av-smittfrihet-vid-covid-19/.
En Belgique, le gouvernement avait annoncé, en décembre 2020, que les charges virales ou nombres de cycles d’amplification seraient documentés dans la communication des résultats des tests PCR 40https://www.rtbf.be/info/societe/detail_coronavirus-les-resultats-des-tests-pcr-vont-bientot-etre-nuances-avec-positifs-faible-normal-ou-fort?id=10660438. Cela n’a toujours pas été mis en pratique à notre connaissance. Chaque citoyen et son médecin devraient être dûment informés de la classification de son test par rapport à la charge virale car cela conditionne tout le suivi de sa situation, en particulier médicale. Les statistiques des cas positifs (incidence, hospitalisations, décès) compilées par Sciensano devraient également en tenir compte, car les charges virales détectées sont un indicateur très important de la circulation du virus et de son impact dans la population, pour la gestion d’une épidémie.
Conclusion : Quels tests utiliser et quand ?
La conclusion de cette analyse est que, selon les standards scientifiques internationaux, notamment recommandés par des fournisseurs de tests eux-mêmes, en période d’épidémie, l’approche suivante apparaît plus objective, efficace, efficiente et soutenable (Figure 3).
- Les tests Ag doivent devenir les tests de référence pour le dépistage en nombre des personnes potentiellement contagieuses de manière à les isoler rapidement et réduire les transmissions de manière optimale 41https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMp2025631, c.-à-d. :
- les personnes symptomatiques 42https://www.info-coronavirus.be/fr/le-coronavirus/ ou personnes asymptomatiques suite à un contact à haut risque (tel que défini par exemple par 43https://covid-19.sciensano.be/fr/procedures/contacts-risque), ces tests permettant d’obtenir un résultat correct en moins de 30 minutes, réalisés par un professionnel de la santé, en 1ère ligne;
- voire (si vraiment indispensable) les personnes qui ont des contacts occasionnels étroits, en intérieur, avec des personnes vulnérables (famille, amis…), les auto-tests Ag permettant de rassurer les gens et de les laisser gérer leur vie, car ils sont très rarement contagieux 44https://www.nature.com/articles/s41467-020-19802-w.
- En revanche, les tests PCR calibrés ne doivent être utilisés que pour le diagnostic clinique des personnes malades ou symptomatiques en hôpital ou sur avis d’un médecin; voire dans le cadre d’un screening ou enquête spécifique (par exemple, auprès de foyers précis d’infection ou « clusters » mais alors, avec des tests PCR salivaires plus rapides et moins coûteux que les naso-pharyngés 45https://covidrationnel.be/2021/03/04/une-liste-constructive-de-mesures-a-adopter/), ou encore dans le cadre d’une surveillance générale (par exemple, type sentinelle de la présence globale du virus dans la population comme cela est pratiqué au Royaume Uni).
Addendum du 2 juin 2021 :
Pour le screening rapide et ciblé de communautés ou hôpitaux, les tests salivaires (ou RT-PCR-S) constituent une variante mieux adaptée que la RT-PCR naso-pharyngée (ou RT-PCR-NP) la plus couramment utilisée. La différence se situe au niveau du prélèvement. La RT-PCR-S implique un prélèvement de salive, considérablement moins délicat que l’écouvillonnage du naso-pharynx, notamment chez les enfants 47https://www.ecdc.europa.eu/sites/default/files/documents/covid-19-use-saliva-sample-material-testing.pdf. Le prélèvement ne requiert pas de personnel spécialisé et peut être effectué en ‘point-of-care’ 48https://covid-19.sciensano.be/sites/default/files/Covid19/salive_communication_ENG.pdf.
Un autre avantage de la RT-PCR-S est une sensibilité, qui serait apparemment moins grande que celle de la RT-PCR-NP, mais qui correspond bien à la détection des personnes contagieuses comme discuté ci-dessus 49https://www.thelancet.com/journals/lanres/article/PIIS2213-2600(21)00178-8/fulltext, et évite donc la surestimation des cas (pour autant qu’on ne compense pas cette moindre sensibilité par une augmentation des cycles d’amplification).
Toutefois, la RT-PCR-S reste une PCR avec ses inconvénients en tant qu’outil d’alerte à la contagion potentielle et hormis le mode de prélèvement (plus simple et plus rapide car sur le lieu des personnes), le traitement en laboratoire est le même, donc son coût et sa durée. La RT-PCR-S présente ainsi quelques avantages, mais reste un outil peu approprié au testing de masse 50https://www.ecdc.europa.eu/en/publications-data/considerations-use-saliva-sample-material-covid-19-testing. Elle est par contre utile pour des études épidémiologiques ciblées sur un groupe de population particulier (maisons de retraite, universités, écoles-pilotes). L’outil est approprié pour un suivi du virus et une étude de prévalence (notamment par pooling des échantillons en période de faible présence du virus dans la communauté 51https://www.bag.admin.ch/testing 52https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/lab/pooling-procedures.html 53https://www.nature.com/articles/s41586-020-2885-5). Elle reste inappropriée pour mettre en quarantaine des personnes qui, en majorité, ne sont pas contagieuses.
Ressources complémentaires
Vidéo explicative sur les tests PCR et visuel didactique comparant l’utilité des tests PCR avec celle des tests Antigéniques (Ag)

Auteurs
- Prof. Denis Flandre, UCLouvain
- Prof. Bernard Rentier, ULiège
- Prof. Martin Zizi, MZI, ex-KULeuven, ex-VUB, Ministère Belge de la Défense (e.r.)
Relecteurs
- Prof. Elisabeth Paul, ULB
- Prof. Raphael Jungers, UCLouvain
- Prof. Pierre Schaus, UCLouvain
- Prof. Christine Dupont, UCLouvain
- Dr Mélanie Dechamps, Cliniques Universitaires St Luc, UCLouvain
- Dr Frédéric Caruso, ex-ULiège, CHEM (Grand-Duché Luxembourg)
- Dr Olivier Lhoest, CHC Liège
- Dr Pierre-François Laterre, UCLouvain
- Prof. Nicolas Vermeulen, UCLouvain
Notes