Bernard RENTIER, Vinciane DEBAILLE, David DOAT, Christine DUPONT, Denis FLANDRE, Elisabeth PAUL et Pierre SCHAUS – Relecteurs : Boris JIDOVTSEFF, Irène MATHY
Beaucoup de questions restent aujourd’hui sans réponse dans l’ensemble des justifications des mesures sanitaires prises pour vaincre la pandémie de COVID-19. Ne pas mettre en œuvre tout ce qui est possible pour y répondre, c’est entretenir une méfiance et entraver l’évolution des esprits vers une cohésion sociale dont nous avons plus que jamais besoin pour faire face aux défis des crises présentes et à venir.
C’est ainsi que, dans les rapports hebdomadaires de Sciensano 1https://covid-19.sciensano.be/sites/default/files/Covid19/Derni%C3%A8re%20mise%20%C3%A0%20jour%20de%20la%20situation%20%C3%A9pid%C3%A9miologique.pdf, depuis environ un an, les données relatives à l’efficacité des vaccins anti-COVID-19 2sans précision indiquant de quel vaccin il s’agit, or ils ne sont manifestement pas équivalents nous sont présentées par catégories correspondant aux quatre principaux indicateurs épidémiologiques utilisés pour définir la politique des gouvernements en matière de riposte au Covid-19 : les nouveaux « cas » (= tests positifs documentés), les nouvelles hospitalisations, les nouvelles admissions en soins intensifs (S.I.) et les décès à l’hôpital.
Ces rapports comprennent des représentations de la situation (et de son évolution) sous forme d’histogrammes (comme repris ci-dessous).
- Celui de gauche montre le NOMBRE ABSOLU de personnes touchées par l’indicateur concerné, pour chaque classe d’âge (5-11 ; 12-17 ; 18-64 et 65+) et statut ou niveau vaccinal (non-vacciné ; vaccination dite “complète” : 1 ou 2 doses selon le protocole original depuis plus de 14 jours ; vaccination dite complète + 1 rappel au moins, dit booster shot, depuis 14 jours au minimum).
- Celui de droite présente l’incidence, c’est-à-dire le NOMBRE RELATIF de personnes touchées par l’indicateur concerné, cumulé sur 2 semaines et rapporté à une tranche de population de 100.000 de la classe d’âge et du statut vaccinal concerné.
- Enfin, un tableau rapporte, pour chaque indicateur, la réduction relative du risque pour chacun des niveaux de vaccination par rapport à l’absence de vaccination, et pour le booster shot par rapport à la vaccination complète (soit les 2 doses de base). Nous documentons la formule de calcul utilisée dans l’encart ci-dessous.
Dans ce tableau, lorsque le risque relatif calculé n’apparaît pas réduit dans le groupe des vaccinés mais, au contraire, qu’il augmente (comme cela apparaît souvent depuis 6 mois), Sciensano ne le déclare pas sous la forme d’une valeur négative, mais préfère indiquer que le pourcentage de réduction de ce risque est désormais “non détectable”…
Voilà qui soulève des questions d’ordre méthodologique et met en évidence un questionnement légitime sur l’efficacité vaccinale : les personnes vaccinées pourraient-elles aujourd’hui être davantage exposées à certains risques (d’infection, d’hospitalisation,…) que les autres, ou cette situation n’est-elle qu’apparente et est-elle seulement un effet des biais liés à des imprécisions ou même des inconnues dans les données récoltées et traitées depuis un an ?
Pour justifier son recours au concept de risque “non-détectable”, Sciensano fait pourtant le choix, insatisfaisant scientifiquement et éthiquement, de construire sa communication publique sur la seconde hypothèse, n’informant nulle part qu’il ne s’agit là que d’une option préférentielle, tant qu’elle n’est pas rigoureusement vérifiée. En effet, il est scientifiquement impossible de trancher la question soulevée, sans mener des études approfondies qui, à notre connaissance, n’ont pas encore été commanditées.
Petit rappel de terminologie : qu’est-ce que l’efficacité ?
L’efficacité est la mesure dans laquelle un produit ou un comportement atteint son objectif spécifique et produit le résultat prévu ou attendu (exprimé selon un ou plusieurs indicateurs). Ce terme recouvre plusieurs notions correspondant à différentes traductions en anglais : effectiveness et efficacy.
Efficacy est la capacité de produire un résultat ou un effet souhaité au regard de la tâche assignée dans des conditions idéales (contrôlées), alors qu’effectiveness réfère à la mesure dans laquelle les objectifs sont atteints dans des conditions de mise en œuvre réelles. Ces deux termes ne doivent pas être confondus avec l’efficience (efficiency), qui réfère à la capacité d’atteindre les résultats en utilisant un minimum d’apports (ressources financières, temps, efforts) et/ou en minimisant les coûts totaux (y compris ceux liés aux effets négatifs de l’intervention). Efficiency ne mesure pas seulement la qualité de l’exécution d’une tâche et de la production de ses résultats, mais aussi la rapidité avec laquelle on peut l’accomplir et/ou son coût.
Ces nuances ne sont guère reflétées en français, où l’on traduit efficacy et effectiveness indistinctement par efficacité et efficiency par efficience, mais parfois par efficacité également.
Dans le cas des vaccins, les nuances de vocabulaire sont précisées en anglais :
Vaccine efficacy est une mesure de l’efficacité avec laquelle un vaccin réduit la prévalence d’une maladie dans des conditions idéales et contrôlées. C’est donc une mesure de l’efficacité avec laquelle un vaccin empêche la propagation d’un virus lorsqu’il est testé dans des conditions rigoureuses dans un laboratoire de recherche ou dans le cadre d’une étude scientifiquement contrôlée. Pour y parvenir, on vérifie l’immunogénicité du vaccin, soit sa capacité à faire produire une réponse immunitaire, le plus souvent la réponse humorale (mesure des anticorps spécifiques dans le sang). 3Il s’agit ici d’une approximation discutable, la production d’anticorps dans le sang n’étant qu’une partie de la réponse immunitaire et ne garantissant pas la résistance à … Continue reading.
Vaccine effectiveness 4L’efficacité vaccinale relative (VE) se calcule selon la formule : [VE = 1 – RR] où RR est le risque relatif qui se traduit ici par VE = 1- (incidence groupe vacciné / incidence groupe non … Continue reading est une mesure de l’efficacité avec laquelle un vaccin réduit la prévalence d’une maladie dans des conditions “réelles”. En d’autres termes, c’est la mesure de l’efficacité avec laquelle un vaccin empêche la propagation de la maladie lorsqu’il est utilisé dans la société, en dehors de conditions expérimentales ou observationnelles contrôlées. La nuance entre ces deux appellations, malheureusement absente en français, est pourtant de taille.
Il est à noter que la vaccine effectiveness et la vaccine efficacy ont été souvent utilisées pendant la crise pandémique de manière interchangeable, par excès d’optimisme dans la capacité des systèmes de santé de produire des résultats aussi bons que dans des conditions idéales (souvenons-nous de l’efficacité de protection annoncée de 95% des vaccins à ARN messager, mesurée lors d’essais cliniques contrôlés et qui n’a jamais été atteinte, loin s’en faut, sur le terrain).
Enfin, l’efficiency pourrait, entre autres, se rapporter à la question d’une balance entre les bénéfices de ne pas attraper la maladie et d’éventuels effets indésirables des vaccins, sachant qu’on était en bonne santé auparavant. Elle peut aussi être utilisée pour exprimer le niveau de succès d’une campagne vaccinale.
L’efficacité vaccinale dont il est question dans les rapports de Sciensano est l’effectiveness anglais. Il s’agit toutefois, par définition, d’une efficacité relative, établissant une comparaison entre catégories d’âge ou de vaccination. D’autres définitions de l’efficacité vaccinale existent, reflétant plutôt l’efficience, comme l’efficacité absolue (“absolute risk reduction” = ARR = incidence chez les non-vaccinés – incidence chez les vaccinés) 5https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4763519/ : “Physicians tend to over-estimate the efficacy of an intervention when results are expressed as relative measures rather than as absolute … Continue reading ou le nombre à traiter requis (“number needed to treat”= NNT = 1/ARR), c.-à-d. le nombre de personnes à traiter pour éviter qu’une seule ne soit malade.
Revenons sur le dernier rapport hebdomadaire de Sciensano. À l’analyse, nous allons voir qu’il reflète des tendances à une augmentation apparente du risque pour certaines catégories de personnes vaccinées, tendances observées également dans les précédents rapports depuis avril 2022 et l’émergence des sous-variants d’Omicron.
Analyse des rapports épidémiologiques
[Nous analysons ici le dernier rapport hebdomadaire de Sciensano consultable lors de la rédaction de cet article, celui du 8 septembre 2022, tout-à-fait représentatif des 6 derniers mois dominés par les sous-variants de Omicron 6https://covid-19.sciensano.be/sites/default/files/Covid19/COVID-19_Weekly_report_FR.pdf].
Les contaminations
Si le nombre absolu de nouvelles contaminations se trouve essentiellement dans la catégorie des « complètement vaccinés + rappel » (ce qui en fait, pour reprendre un slogan que nous avons entendu, une « épidémie de vaccinés »), on doit tenir compte du fait que, dans la population, les vaccinés sont largement majoritaires. C’est pourquoi on s’adresse au graphique de l’incidence, à droite, qui annule ce biais et permet une comparaison. On constate alors que l’incidence est du même ordre, quelle que soit la catégorie d’âge ou le statut de vaccination. Il est clair qu’on ne peut pas, sur la base des données disponibles ci-dessous, montrer un effet certain des différentes doses vaccinales contre l’infection par le ou les variants actuels. Sciensano mentionne par ailleurs que son estimation de la réduction du risque n’est pas ajustée (“estimation non ajustée de la réduction du risque”). L’institut souligne ainsi l’existence de nombreux biais dans les données et de facteurs confondants entre personnes comparées… qui ne sont pas pris en compte et qui affectent donc considérablement l’interprétation à donner aux chiffres bruts.

Les hospitalisations
En suivant le même raisonnement à propos des hospitalisations « pour COVID » 7Il convient ici d’être prudent car la distinction entre hospitalisation pour COVID et avec COVID n’est pas absolument claire, non pas du fait de Sciensano mais d’un manque de précision au … Continue reading. En se concentrant sur les incidences (à droite), on constate qu’à l’heure actuelle, ce sont presque uniquement les plus de 65 ans qui sont concernés mais aussi, et de loin, les personnes complètement vaccinées (1 ou 2 doses, selon le vaccin). Celles-ci sont beaucoup plus hospitalisées que les personnes non-vaccinées et celles qui ont reçu un booster (1 ou 2 doses selon le vaccin + 1 dose de rappel). Ce phénomène n’est pas analysé, ni même analysable sur la base des données réellement disponibles.
Par ailleurs, lorsque, parmi les personnes de 18 à 64 ans, on compare les incidences des personnes qui sont détectées positives avec les incidences des personnes hospitalisées, on observe qu’environ 99% des personnes contaminées ne vont pas subir une hospitalisation, qu’elles soient vaccinées ou non. En consultant le rapport de suivi hospitalier de Sciensano 8https://covid-19.sciensano.be/sites/default/files/Covid19/COVID-19_Hospital_epidemiology_Part_1.pdf, nous apprenons que plus de la moitié de ces personnes hospitalisées passent moins de 5 jours à l’hôpital et que, dans trois quarts des cas environ, elles souffrent d’au moins une comorbidité. Ces indicateurs sont globalement stables depuis 6 mois, mais ne sont pas pris en compte dans les calculs d’efficacité (vaccine effectiveness) de Sciensano pour tenter d’éliminer certains biais ou facteurs confondants.


Quand on compare à présent, dans la classe d’âge de 12-17 ans, les hospitalisations des “primo-vaccinés complets” (1 ou 2 doses selon le vaccin) et les non-vaccinés, les 100% d’efficacité vaccinale relative rapportés représentent un énorme succès en apparence, mais en réalité, ce résultat doit être très fortement tempéré par le fait que les valeurs absolues (à gauche dans le tableau ci-dessus) sont extrêmement faibles et ne permettent aucune conclusion : l’incidence cumulée sur 14 jours passe, grâce au vaccin, de 0,5/100.000 à 0/100.000.
La même analyse, avec des valeurs absolues plus significatives dans la classe d’âge 65+, révèle une augmentation en termes d’incidence de 35,6 à 97,9 entre personnes non vaccinées et complètement vaccinées (primo-vaccination complète), soit une augmentation apparente du risque d’hospitalisation de 275%. Pourtant, dans ce cas, le tableau indique que la réduction du risque est “non détectable”.
Efficacité absolue, coût et efficience
Dans la catégorie des 18 à 64 ans, 22,7% d’efficacité relative entre personnes boostées (primo-vaccination + rappel) et personnes non vaccinées ne correspond qu’à une réduction absolue de risques (ARR) de 0,4 hospitalisations évitées pour 100.000 personnes en deux semaines. Par contre, calculer le nombre de personnes à vacciner (number needed to treat, NNT) pour éviter une hospitalisation sur base d’une incidence de 14 jours n’est pas une approche robuste.
Sur la base des chiffres bruts 9en l’absence de données ajustées de Sciensano, nous avons estimé les incidences globales d’hospitalisation pour la dernière période de 6 mois, correspondant à des tendances fort stables et un délai représentatif depuis la dernière dose de vaccin. Pour la classe d’âge entre 18 et 64 ans, l’ARR entre personnes boostées et personnes non vaccinées est estimée à 16,7 hospitalisations évitées pour 100.000 . Le calcul du NNT indique alors que 6.000 personnes de cette classe d’âge ont dû recevoir 3 doses de vaccin anti-Covid pour éviter une seule hospitalisation en 6 mois, avec un coût de l’ordre de 50 € par dose, soit un coût potentiel de l’ordre de 900.000 € par hospitalisation évitée 10https://www.lavenir.net/actu/belgique/2022/02/15/la-vaccination-covid-2-fois-plus-chere-en-centre-quen-collectivite-JMC4LA6TW5GZZAXDAFC7EUO7EY/. Ce calcul correspond aux concepts reconnus de NNT et de ‘cost-effectiveness’ 11https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4763519/, “It helps to report NNT in addition, since this is an easily-interpreted single indicator of clinical utility of an intervention.”.
Pour quelle autre pathologie, même grave, prend-on de telles mesures, impliquant un tel investissement ?
Les admissions aux soins intensifs
Pour ce critère, on n’observe qu’une très faible réduction du risque par la primo-vaccination complète par rapport à la non-vaccination chez les 65+, mais cette réduction devient significative après le booster. Pour les autres cas, les différences ne sont pas significatives vu les très petits nombres absolus, très variables d’une semaine à l’autre.


A nouveau, les manques de granularité dans les classes d’âge au-dessus de 18 ans et d’analyses des causes d’hospitalisation en USI rendent impossible toute interprétation approfondie. Au vu du rapport de suivi hospitalier de Sciensano 12https://covid-19.sciensano.be/sites/default/files/Covid19/COVID-19_Hospital_epidemiology_Part_1.pdf, fig. 24, près de 90% des personnes âgées admises en USI souffrent d’au-moins une comorbidité, mais leur répartition en fonction des statuts vaccinaux n’est pas connue. Se préoccuper de ces facteurs devrait être une priorité de santé publique, bien au-delà des simples données statistiques.
Les décès
On peut faire à peu près la même observation pour les décès, bien que, dans ce cas, les nombres soient (heureusement) tellement faibles aujourd’hui que la signification des chiffres en devient négligeable (le nombre de décès par jour en Belgique, toutes causes confondues, est de 303 en moyenne, avec des variations saisonnières).

Sciensano ne présente pas de tableau montrant la réduction du risque de décès. Il est vrai que, pour la catégorie des 65 ans et plus, l’augmentation apparente du risque de décès est de l’ordre de 7,3 fois s’ils ont reçu la « vaccination complète » par rapport aux non-vaccinés; la réduction du risque serait rapportée dans le tableau correspondant comme “non détectable”. Cette observation inquiétante devrait absolument être investiguée pour vérifier l’existence de biais actuellement non maîtrisés. Cet effet s’annule toutefois après le booster shot.
Pour en terminer avec cette analyse, précisons bien que la réduction négative d’un risque équivaut à une augmentation de ce risque. Comme ce phénomène a été remarqué dans d’autres pays 13https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/1054071/vaccine-surveillance-report-week-6.pdf 14https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2794886 15https://www.bmj.com/company/newsroom/study-finds-gradual-increase-in-covid-infection-risk-after-second-vaccine-dose/#:~:text=A%20study%20published%20by%20The,of%20the%20Pfizer%2DBioNTech%20vaccine, il est nécessaire, pour éviter toute interprétation erronée, d’en tester les causes potentielles.
Que peut-on conclure des rapports ?
En analysant soigneusement les rapports officiels, nous nous heurtons très rapidement à l’impossibilité méthodologique, vu la qualité limitée des données présentées, voire leur absence, de mesurer l’efficacité vaccinale, en particulier du fait de la présence manifeste de très nombreux facteurs confondants, c’est-à-dire des variables indépendantes du statut vaccinal (par exemple l’existence hypothétique d’une plus grande proportion de comorbidités dans un groupe vaccinal et pas dans l’autre). Ceci empêche la comparaison entre les groupes sur la base du seul statut vaccinal. Le manque de précision dans la constitution des groupes d’âge et leur faible granularité (entre 18 et 64 ans et même à 65+), rend impossible toute analyse approfondie. Par conséquent, ces tableaux jettent la confusion sur le rôle respectif des vaccins dans les différentes catégories de population.
- Il n’est fait la distinction entre les différents vaccins à aucun moment. Or, il en existe quatre actuellement sur le marché en Belgique, chacun ayant ses caractéristiques propres et une efficacité potentiellement différente.
- Par ailleurs, les différents vaccins ont souvent fait l’objet d’un “panachage” 16Un panachage, ou “rappel hétérologue” se produit lorsque, dans un protocole de vaccination en plusieurs doses, on injecte pas, du début à la fin, le même vaccin, mais des vaccins de … Continue reading, une pratique étonnante lorsqu’elle est improvisée, et qui précisément, dans ce cas et au mépris des bonnes pratiques, n’a pas fait l’objet d’essais cliniques validés, mais a néanmoins été acceptée et même quasiment recommandée, en tout cas proclamée sans danger 17https://covid.aviq.be/sites/default/files/fichiers-upload/Fichier%20principal%20FAQ%20vaccination.docx. On doit objectivement signaler que plusieurs études récentes 18https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMc2203165?query=TOC19https://www.bmj.com/content/377/bmj-2022-06998920 … Continue reading montrent une efficacité meilleure du panachage, sans qu’on puisse déjà en dégager un protocole idéal, ni en connaître les enjeux de sécurité.
- On ne connaît pas le passé immunitaire des personnes dans les différentes catégories. Par exemple, tant chez les non vaccinés que chez les vaccinés, certains d’entre eux 21nous n’avons aucune information sur leur proportion ont été naturellement infectés. Ils bénéficient donc d’une immunité naturelle acquise, qui joue un rôle non-négligeable dans la défense immunitaire. Les populations dites non-vaccinées et vaccinées sont donc hétérogènes à cet égard et devraient être subdivisées en deux groupes au moins, si on disposait de cette information, ce qui n’est probablement pas le cas 22https://www.alterechos.be/transparence-et-democratie-les-oubliees-des-donnees-covid/.
- On peut également regretter la granularité très insuffisante des tranches d’âge. La tranche de 18 à 64 ans est beaucoup trop large. Elle comprend aussi bien de très jeunes adultes que des personnes dans la force de l’âge ou d’autres en fin de carrière, donc avec des statuts métaboliques extrêmement différents et qui ne peuvent être assimilés 23les jeunes adultes en bonne santé, par exemple, sont beaucoup moins vulnérables à des formes sévères du covid que les personnes plus avancées en âge ; les défenses immunitaires de ces … Continue reading. Il en va de même pour la tranche des 65+, au sein de laquelle il existe de grandes disparités.
- La distinction selon le sexe n’est pas faite, alors que l’on sait bien que l’immunité des hommes et des femmes est différente et que les hommes sont généralement plus susceptibles que les femmes de développer une forme grave de COVID 24https://www.worldometers.info/coronavirus/coronavirus-age-sex-demographics/.
- On connaît l’importance que revêtent les comorbidités dans le déclenchement des formes graves nécessitant une hospitalisation, voire des soins intensifs 25https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/healthandsocialcare/conditionsanddiseases/articles/coronaviruscovid19/latestinsights#age. Aucune compartimentation n’en tient compte.
- Le protocole prévoit de ne considérer chaque étape de vaccination qu’après un délai de 14 jours suivant l’injection. Or, la durée de l’incubation après contamination, qui est supposée justifier le délai, n’a jamais été de 14 jours. Elle était estimée à 5 jours avec les premières souches virales et s’est réduite à 3,5 jours avec le variant BA.5 26https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2795489. Quelle peut alors être la rigueur de cette classification, sachant que la contamination peut survenir rapidement après la (re)vaccination ? Aujourd’hui, un primo-vacciné (1 ou 2 doses selon le fabricant) depuis 3 à 14 jours est ainsi classé dans la catégorie des non vaccinés, rendant boiteuse toute tentative de corrélation. De même, les personnes ayant reçu le booster shot qui tombent malades ou doivent être hospitalisées durant les deux semaines suivantes sont systématiquement comptabilisées dans la cohorte “vaccination complète”. Ces reclassements constituent un biais significatif, nullement documenté.
- On rencontre, dans ces rapports réguliers, des biais de confirmation et des effets d’ambiguïté. Le biais de confirmation, également dénommé biais de confirmation d’hypothèse, est le biais cognitif qui consiste à privilégier les informations confirmant ses idées préconçues ou ses hypothèses, ou à accorder moins de poids aux hypothèses et informations jouant en défaveur de ses conceptions, ce qui se traduit par une réticence à changer d’avis 27https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Biais_de_confirmation. L’effet d’ambiguïté est un biais cognitif qui se manifeste lorsqu’une prise de décision est affectée par un manque d’information 28https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Effet_d%27ambigu%C3%AFt%C3%A9.
Au vu des grandes zones d’ombre dans l’interprétation des données, on pourrait juger que “non-détectable” est un terme finalement approprié face à l’impossibilité de conclure. Cependant, bon nombre de ces inconnues et limitations dans la qualité des données existaient déjà dans les histogrammes des rapports de Sciensano en début de campagne de vaccination anti-Covid-19. Ces histogrammes étaient pourtant utilisés pour démontrer une efficacité. Autrement dit, depuis 6 mois, les rapports affirment que certains résultats recherchés sont “non-détectables” en raison des biais que les données comportent, alors que ces résultats, traduisant un pourcentage d’efficacité négative des vaccins, sont calculés au moyen des mêmes procédés et types de données qui étaient précédemment jugés suffisamment fiables, ou qui sont jugés tels aujourd’hui, quand leurs résultats montrent une efficacité positive des vaccins dans la réduction des risques (d’infections, d’hospitalisations, etc…). Cette façon de faire repose peut-être sur des options politiques (particulièrement discutables), mais au plan scientifique, elle n’est ni méthodologiquement, ni éthiquement justifiable. L’effacement d’une augmentation apparente de vulnérabilité à l’infection suite à une vaccination, sous l’appellation « réduction du risque non détectable », est un exemple flagrant de biais de confirmation.
D’un point de vue scientifique, en effet, en s’appuyant d’une part sur une méthode de calcul et d’autre part sur un niveau de granularité des données demeurés constants depuis les premiers mois de la campagne de vaccination, il est réellement interpellant d’obtenir, depuis avril 2022, des résultats d’efficacité négative des vaccins dans certains groupes de population. La récurrence de ces résultats, de rapport en rapport, le fait qu’ils s’observent aussi dans d’autres pays à l’échelle internationale, exige qu’une analyse scientifique en profondeur soit conduite pour en clarifier les causes, plutôt qu’une “invisibilisation” du phénomène sous un nouveau concept (“non-détectable”). Si cette analyse approfondie permettait de conclure que l’efficacité vaccinale mesurée pour un groupe de population n’est pas le résultat de facteurs confondants dans les données, mais est réellement indétectable (autrement dit que l’incidence des événements est la même, qu’on soit vacciné ou non), on doit s’interroger, au plan sanitaire, sur l’utilité de vacciner. De même, quand les indicateurs d’efficience indiquent que les coûts deviennent supérieurs aux bénéfices, refuser l’interrogation révèle un biais cognitif.
Les différents cas que nous venons de soulever méritent une attention particulière, surtout à un moment où les faiblesses des vaccinations de rappel sont de plus en plus fréquemment rapportées 29https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMc2210546 30https://www.science.org/doi/10.1126/science.abq1841 et doivent conduire à un réexamen de la politique vaccinale et de la campagne à venir.
Conclusion
Dans les cas où le risque est devenu plus important, Sciensano et les autres organismes officiels évitent de conclure que la vaccination augmente la probabilité de tels événements, en déclarant que la réduction du risque est “non détectable” plutôt que “négative”, comme s’il n’y avait pas d’augmentation de l’incidence. Ce positionnement est loin d’être satisfaisant à tout point de vue et peut s’avérer très perturbant pour le public peu averti.
Nous savons, depuis plus d’un an, que l’efficacité des vaccins dans des conditions réelles est limitée et s’étiole rapidement. Nous savons aussi que l’efficience n’est pas démontrée pour certaines catégories de personnes jeunes et de personnes en bonne santé. De nombreuses observations scientifiquement solides confirment cette réalité, visible également dans les rapports de Sciensano : on ne peut plus y déceler aujourd’hui d’efficacité significative générale, on peut même, dans certains cas, s’interroger quant à une efficacité négative qui devrait à tout le moins éveiller l’attention des responsables publics. Toutefois, les nombreux facteurs confondants et les failles dans la collecte et le traitement des informations ne permettent que des interprétations incomplètes et des conclusions qui, pour être convaincantes, mériteraient d’être complètement documentées. Aujourd’hui, on peut légitimement se demander sur quelles données — et sur quelles interprétations — peuvent bien être fondées les recommandations officielles de vaccination 31Cette remarque vaut a fortiori pour un projet, toujours en suspens au Parlement fédéral belge, d’obligation vaccinale des soignants.
Nous appelons donc à la divulgation publique des données justifiant la politique vaccinale, portant sur :
1) l’efficacité tant absolue que relative des vaccins anti-Covid-19, y compris l’efficience économique du coût des campagnes vaccinales ;
2) leurs impacts systémiques, psycho-sociaux (bien-être des personnes, cohésion sociale) et financiers ;
3) les coûts occasionnés par la prise en charge des effets secondaires de cette politique.
NOTE AJOUTÉE LE 16.09.2022
Dans son nouveau rapport daté de ce jour 32https://covid-19.sciensano.be/sites/default/files/Covid19/COVID-19_Weekly_report_FR.pdf, Sciensano a complètement modifié la rubrique sur l’efficacité vaccinale mise en cause ici. On peut maintenant lire (p. 23) :
3.4.2. Efficacité vaccinale
Sciensano dispose du statut vaccinal des personnes qui développent une infection COVID- 19 et celui d’une partie des personnes qui nécessitent une hospitalisation ou une admission en unité de soins intensifs (USI). Ces données permettent la surveillance de l’impact de la vaccination sur le développement des infections COVID-19.
Jusqu’en août 2022 ce rapport présentait une estimation préliminaire de l’impact de la vaccination en montrant les incidences cumulées sur 14 jours, par groupes d’âge et statut vaccinal, et en calculant la réduction relative du risque (RRR) pour plusieurs évènements. Ces calculs ne tiennent pas compte de différences inhérentes entre les groupes ayant un statut vaccinal différent, telles que la fragilité (par exemple les pathologies ou troubles sous-jacents), le comportement ou la fréquence de dépistage entre les populations vaccinées et non vaccinées.
Afin d’intégrer certaines des distinctions susmentionnées, une nouvelle approche de l’impact de la vaccination, estimée au travers de l’efficacité vaccinale, est dorénavant présentée dans ce rapport. Ces estimations étant relativement stables, les graphiques présentés ci-dessous seront mis à jour de manière moins régulière. Pour plus de détails sur la méthodologie utilisée dans cette section, veuillez consulter les sections 10.7 et 10.8 du document “Questions fréquemment posées”.
Ce changement radical efface le problème posé sans toutefois le résoudre. Il ne permet pas de mieux cerner les problèmes inhérents à l’évaluation de l’efficacité vaccinale, il cesse simplement de les présenter. Les demandes d’une information plus rigoureuse énoncées dans nos conclusions restent sans réponse. Ce n’est évidemment pas en glissant un problème sous le tapis qu’on le résout.
Notes