Petite compilation n°14 – “Réévaluation du programme de préparation et de réponse aux pandémies (REPPARE)”

Brève revue biaisée (*) - et ‘cherry-picked’ assumée - de la littérature scientifique récente dont on ne parle pas par ailleurs. Un point commun entre ces différents articles est qu’ils rappellent des notions de base bien connues avant 2020 concernant les virus respiratoires et la gestion de leurs épidémies. Nous souhaitons les confronter aux mesures qui ont été prises dans le cas du SARS-CoV-2, et à leurs effets. Nous soulignerons ici quelques-uns de leurs apports principaux en ce sens et laisserons nos lecteurs se forger leur propre opinion.

(*) : Le terme (« biaisé ») est ironique et volontairement provocateur, afin de provoquer le débat. Il indique que nous avons sélectionné des articles d’une qualité incontestable et qui, n’allant pas dans le sens voulu par le narratif dominant, ne sont que très rarement cités, voire pas du tout, ou des articles qui opèrent un revirement considérable par rapport aux concepts qui ont dominé le champ scientifique durant la crise sanitaire de 2020-2023.

Un rapport produit par l’Université de Leeds à travers le projet “REevaluating the Pandemic Preparedness And REsponse agenda (REPPARE)” 1https://essl.leeds.ac.uk/dir-record/research-projects/1260/reevaluating-the-pandemic-preparedness-and-response-agenda-reppare

Les politiques de santé publique peuvent jouer un rôle essentiel pour renforcer la résilience des populations face aux menaces qui pèsent sur leur santé et pour répondre à ces menaces lorsqu’elles surviennent. Ébauchée avec le Rapport annuel de l’OMS sur la sécurité sanitaire en 2007 2The world health report 2007 : a safer future : global public health security in the 21st century (who.int), l’approche de la préparation et de la riposte aux pandémies (PPR en anglais, pour Pandemic Preparedness and Response) est placée très haut à l’agenda des politiques sanitaires mondiales suite à la pandémie de Covid-19 3Voir par ex. G20-FHTF-Financing-Gaps-for-PPR-WHOWB-Feb-10_Final.pdf (utoronto.ca). Vu la multitude des déterminants de la santé, cette politique nécessite une approche holistique qui reconnaît à la fois l’interconnexion entre les êtres humains et leur environnement, et une définition large de la santé, telle que reconnue dans la Constitution de l’OMS comme étant “un état de complet bien-être physique, mental et social” et ne consistant “pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité” 4Constitution (who.int).

Les populations humaines sont diverses en termes de risques, et les priorités retenues dans toute politique sanitaire sont influencées non seulement par des critères objectifs (comme l’ampleur et la sévérité des problèmes de santé, ainsi que l’efficacité et le coût des interventions qui y répondent) mais aussi par des facteurs culturels, religieux et sociaux 5Stratégies nationales en santé au XXIe siècle : guide pratique (who.int). Le choix d’inclure ou non une intervention dans la politique sanitaire dépend d’un arbitrage entre les priorités concurrentes liées à d’autres maladies, en vue de faire le meilleur usage des ressources disponibles, par essence limitées. Il est donc nécessaire d’élaborer des politiques prudentes et d’adopter une approche de mise en œuvre qui réponde aux besoins du public et qui soit conforme à la volonté de la communauté.

Une équipe de l’Université de Leeds a mené une étude visant à faciliter une prise de décision rationnelle et éclairée en matière de préparation aux pandémies. En effet, le risque de pandémie est en effet qualifié de “menace existentielle pour l’humanité” par plusieurs institutions très influentes en santé mondiale (OMS, Banque mondiale, G20). Cette menace est utilisée pour justifier des amendements au Règlement sanitaire international et pour négocier un nouvel accord juridiquement contraignant sur les pandémies, qui devraient tous deux être approuvés par la prochaine Assemblée mondiale de la santé en mai 2024. Selon les projections de ces organismes, l’agenda PPR nécessite des investissements de plusieurs dizaines de milliards de dollars par an, à financer en partie par de l’aide publique au développement en soutien aux pays à revenu faible ou intermédiaire. Toutefois, l’urgence et l’ampleur sans précédent de ce programme dépendent de l’interprétation des données censées démontrer l’augmentation de la fréquence et du fardeau sanitaire des pandémies. Si ces interprétations sont mauvaises, ou si les bases probantes sont erronées, l’investissement dans la PPR pourrait en fait causer un préjudice net, en siphonnant les ressources investies au niveau mondial loin d’autres priorités sanitaires, sociales et économiques.

Or, l’analyse de l’Université de Leeds a révélé que les données et les bases probantes ne soutiennent guère les hypothèses actuelles en matière de risque de pandémie. En revanche, les données suggèrent qu’une augmentation des épidémies naturelles enregistrées pourrait être largement expliquée par les progrès technologiques au niveau des tests de diagnostic au cours des 60 dernières années, alors que la surveillance actuelle, les mécanismes de réponse et d’autres interventions de santé publique ont permis de réduire leur fardeau sanitaire au cours des 10 à 20 dernières années. En effet, si l’on exclut le COVID-19 et la grippe porcine, le fardeau combiné de toutes les épidémies répertoriées est inférieur à 26.000 décès sur 20 ans. Seuls le virus Ebola et le choléra ont entraîné plus de 1.000 décès. La grippe porcine a tué moins de personnes que la grippe saisonnière ne le fait habituellement, et nous disposons déjà de mécanismes de surveillance bien établis pour la grippe. Dans ce contexte, le Covid-19 apparaît comme une anomalie plutôt que de refléter une tendance. D’ailleurs, une étude fondée sur la fréquence des épidémies au cours des 400 dernières années visant à prédire la fréquence de futures épidémies conclut qu’un événement de type “grippe espagnole” ne peut se reproduire qu’une à trois fois par millénaire, tandis qu’un événement de type COVID-19 peut se reproduire au plus une fois par siècle 6Intensity and frequency of extreme novel epidemics | PNAS.

Cette réanalyse des données indique que le risque de pandémie est moindre que ce que prétendent l’OMS, la Banque mondiale et le G20 pour justifier un investissement massif dans la PPR. Dès lors, un tel investissement devrait être soigneusement réévalué pour ne pas détourner les ressources d’autres investissements plus rentables, ciblant des maladies ayant un fardeau plus important. C’est particulièrement le cas pour les pays à faibles ressources qui paient un lourd tribut dû non seulement à des maladies infectieuses comme la tuberculose et le paludisme, mais aussi, de plus en plus, à des maladies chroniques.

Les auteurs émettent alors cinq recommandations:

  1. Il est manifestement nécessaire de commander de meilleures analyses pour déterminer avec précision l’ampleur et l’urgence du risque pandémique.
  2. Une détermination appropriée du risque pandémique doit tenir compte des progrès récents dans la capacité de diagnostic, le partage d’informations et l’amélioration des mécanismes de contrôle des maladies.
  3. Il est essentiel de comprendre le fardeau relatif des maladies pour déterminer le rapport coût-bénéfice de l’investissement pandémique et pour sélectionner au mieux les interventions afin d’améliorer les résultats globaux en matière de santé publique.
  4. Compte tenu de la faiblesse des données qui sous-tendent l’évaluation des risques pandémiques, il est prudent de ne pas se précipiter dans de nouvelles initiatives en matière de pandémie telles que les instruments proposés à ce stade par l’OMS, ceci jusqu’à ce que les hypothèses sous-jacentes fassent l’objet d’une évaluation sur la base de preuves solides, d’un besoin reconnu et d’un rendement positif.
  5. De façon générale, les États membres de l’OMS devraient soutenir les efforts de préparation aux pandémies qui soient démontrés comme efficients (proportionnés) sur la base de preuves étayées, de négociations avec l’ensemble des parties prenantes et d’un raisonnement rationnel.

L’équipe de Covidrationnel ne peut qu’encourager cet appel à la rationalité !

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