Omicron, a game changer

Auteurs :

Vincent Laborderie (Sciences politiques, UCLouvain)

Jean-Louis Lamboray (Santé publique, Mahidol University, Thaïlande)

Elisabeth Paul (Santé publique, ULB)

Bernard Rentier (Virologie, ULg)

Denis Flandre (Ingénieur, UCLouvain)

Raphael Jungers (Mathématiques appliquées, UCLouvain)

Relecteurs : 

Melanie Dechamps, (Soins intensifs, Cliniques Universitaires St Luc, UCLouvain)

David Doat (Philosophie et éthique, UCLille)

Pierre-François Laterre (Soins intensifs, Cliniques Universitaires St-Luc, UCLouvain)

Olivier Lhoest (Anesthésiste-réanimateur, CHC Liège)

Olivier Servais (Anthropologue, UClouvain)


Introduction

La présente note entend, d’une part, rassembler et synthétiser les données disponibles sur le variant Omicron et, d’autre part, faire le point sur les implications de sa propagation sur la politique à mener. Il s’agit d’envisager si et dans quelle mesure la mise à jour de nos connaissances permet d’engager une sortie de crise progressive. Dans ce cas, nous pourrions entrer dans une phase de gestion du risque (vivre avec le virus) correspondant à la fin de l’épidémie proprement dite (phase d’endémicité du virus).

Omicron va-t-il ralentir ou accélérer la sortie de crise tant attendue par toute la société, alors que les conséquences de la quatrième vague de contaminations par le SARS-CoV-2 s’estompent rapidement ? 1https://www.bmj.com/content/375/bmj.n3103 Le nombre de patients COVID-19 occupant les soins intensifs (SI) est en effet en constante régression en Belgique. Ce chiffre est nettement redescendu sous la barre des 500, soit le critère précédemment établi par le ministre fédéral de la Santé publique pour lever les mesures sanitaires. 

Si la contagiosité accrue d’Omicron fait peu débat, son niveau de dangerosité inférieur est encore remis en question par certains. Cette dimension est déterminante pour savoir si la “5e vague” sera autre chose qu’une vague de contaminations. Nous rassemblons ici les données pertinentes dont on dispose aujourd’hui à ce sujet, en nous appuyant sur l’expérience de pays pour lesquels la vague Omicron est déjà passée (Afrique du Sud) ou qui ont quelques semaines d’avance sur la Belgique (Royaume-Uni, Danemark). L’étude de ces données converge pour indiquer que, malgré le nombre très élevé des contaminations, le nouveau variant entraîne peu d’hospitalisations par rapport aux variants précédents, et surtout beaucoup moins de formes graves nécessitant une admission dans des unités de soins intensifs (SI). L’impact sur les SI n’est pas seulement fortement réduit par rapport aux vagues précédentes, il est en réalité à peine perceptible. Fin décembre par exemple, le Danemark ne comptait que 5 patients en SI pour la variante Omicron, avec une part estimée à 80% des contaminations du pays2https://www.rtbf.be/info/societe/detail_nouveaux-records-de-cas-de-covid-19-au-danemark-ou-omicron-represente-80-des-infections?id=10905301. La même absence d’impact significatif peut être observée concernant les décès. Avec le variant Omicron, le Covid-19 devrait cesser d’être un problème de santé publique prioritaire tel que nous le connaissons depuis presque deux ans 3https://www.ema.europa.eu/en/events/ema-regular-press-briefing-covid-19-11

Au regard des dernières données, l’expansion rapide (attendue) des contaminations dues au variant Omicron ne justifie pas de postposer la levée des mesures de contrôle du SARS-CoV-2, encore moins de les renforcer. Le maintien de mesures préventives générales mises en œuvre jusqu’à maintenant pour réduire les contaminations serait, en effet, disproportionné, inefficace et non justifié. Depuis la domination d’Omicron sur les autres variants, ni l’Afrique du Sud, ni le Royaume-Uni, ni le Danemark n’ont fait face à une surcharge de leurs services de soins intensifs, ni même à une hausse réelle des patients qui y sont admis. On peut d’ailleurs remarquer que quelles que soient les mesures prises dans les différents pays, celles-ci n’ont aucun effet visible sur l’évolution des contaminations.

Contexte : 

Il convient tout d’abord de rappeler que la mutation d’un virus et l’apparition de nouveaux variants est un phénomène tout à fait naturel et normal pour certains types de virus. Le SARS-CoV-2 mute à un rythme élevé, mais ceci n’a rien d’exceptionnel. Plus précisément, l’émergence du variant Omicron se situe dans la logique de l’évolution vers l’endémicité de l’épidémie de SARS-CoV-2. Au stade endémique, le virus est à la fois omniprésent et peu virulent. Son évolution suivrait dans ce cas la loi du bactériologiste américain Theobald Smith 4Smith, Theobald. 1887. Parasitic bacteria and their relation to saprophytes. American Naturalist 21:1–9. (1859-1934). Selon cette loi, un agent introduit chez un nouvel hôte voit sa pathogénicité initiale diminuer au point de devenir inoffensif. Dans l’histoire des virus, on observe que les mutations évoluent généralement vers un virus à la fois plus contagieux mais moins dangereux pour l’hôte. Ceci est bien dans la logique de la sélection naturelle : il doit être plus contagieux pour se répandre plus rapidement, mais il n’a aucun avantage à attaquer trop fortement son hôte (l’être humain pour le SARS-CoV-2) 5Voir à ce sujet cette vidéo informative produite par lemonde.fr concernant les avenirs possibles de l’épidémie de SARS-Cov-2. Elle explique que ce qui apparaît de loin le plus probable est … Continue reading. L’émergence d’un variant beaucoup plus dangereux n’est bien sûr pas exclue mais, selon les données dont on dispose aujourd’hui, tel ne serait pas le cas du variant Omicron. Évaluer la dangerosité du variant Omicron revient donc à voir à quel point son émergence et sa diffusion constituent une évolution vers cette situation endémique où le SARS-CoV-2 n’est plus un problème de santé publique. 

Dans cette note, nous présentons le cas de trois pays dans lesquels la progression d’Omicron est en avance par rapport à la Belgique et permet d’anticiper ce qui devrait advenir dans notre pays. Il s’agit de l’Afrique du Sud, où le pic de la vague est désormais passé, ainsi que du Royaume-Uni et du Danemark. De ces cas, nous tirons les conclusions logiques quant aux impacts d’Omicron en Belgique, et les implications pour la politique de lutte contre le Covid. 

Etude des données disponibles

  1. L’Afrique du Sud

L’Afrique du Sud est le pays où le variant Omicron est apparu et est celui qui a connu le premier sa diffusion rapide. Le pic de la vague de contamination et d’hospitalisation est aujourd’hui dépassé et un certain nombre d’études permettent d’avoir un recul utile sur la dangerosité de ce variant. Ces données ne sont pas forcément transposables dans le détail à la Belgique étant donné les différences au niveau de la structure d’âge de la population et du taux de vaccination. Elles offrent néanmoins des enseignements particulièrement éclairants, notamment grâce à des comparaisons faites avec le variant Delta dans la même population. 

Si l’on prend les données brutes concernant les décès, la vague Omicron en a entraînés très peu comparé aux autres vagues. En fait, il n’y a pas de vague de décès (à peine un rebond) mais une vague de cas. 

L’argument d’une population plus jeune que la Belgique expliquant un nombre moins important de décès ne peut être la seule explication à la très faible létalité d’Omicron. En effet, la structure de la population était la même lors des précédentes vagues qu’a subi l’Afrique du Sud et celles-ci se sont bien traduites par une surmortalité réelle liée au Covid-19. On dispose par ailleurs de données par tranches d’âges permettant de vérifier la létalité extrêmement faible du variant Omicron, y compris parmi les populations les plus âgées 6https://www.nicd.ac.za/wp-content/uploads/2021/12/COVID-19-HOSPITAL-SURVEILLANCE-UPDATE_WEEK-48-2021_rev.pdf

On a en revanche bien observé une hausse des hospitalisations, mais celles-ci sont d’une part moins importantes et surtout beaucoup moins graves. Les études les plus complètes ont été publiées à la toute fin du mois de décembre 7https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S120197122101256X ;

https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3996320
. Elles mettent en lumière le faible pourcentage de cas détectés nécessitant une hospitalisation en Afrique du Sud : 4,9% comparé aux 18,9% et 13,7% observés durant les 2e et 3e vagues. Mais il est encore plus intéressant de constater que ces hospitalisations sont largement sans gravité, ce dont attestent les données suivantes : 

  • les deux-tiers (63%) des hospitalisés comptabilisés Covid l’ont été suite à un test Covid positif, sans symptôme Covid nécessitant une hospitalisation ; 
  • parmi les 36% restants, 72% avaient des symptômes légers ou modérés ;
  • seuls 45% des patients dans les unités Covid ont nécessité une supplémentation d’oxygène (contre 99,5% durant la 1e vague)
  • la durée moyenne d’hospitalisation avec Omicron est de 4 jours contre 8,8 jours durant les précédentes vagues.

La graphique ci-dessous montre la durée d’hospitalisation par tranche d’âge, établissant que les observations ci-dessus valent pour chacune d’entre elles.  

Source : https://www.nicd.ac.za/wp-content/uploads/2021/12/COVID-19-HOSPITAL-SURVEILLANCE-UPDATE_WEEK-48-2021_rev.pdf

Les hospitalisations durent donc en moyenne 3-4 jours, et ne requièrent donc pas de passage en soins intensifs. Le contraste dans la durée d’hospitalisation par rapport aux variants précédents est même plus important pour les plus de 60 ans. On peut donc supposer que les constats posés ici s’appliqueront à des pays dont la population est plus âgée que l’Afrique du Sud. Enfin, le pic d’hospitalisation a été très rapidement atteint, reflétant ainsi l’évolution des contaminations. Celles-ci ont grimpé très rapidement mais pour diminuer ensuite tout aussi vite.

Une autre étude, publiée et révisée par les pairs, confirme ces observations.8https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2787776 Cette étude n’a pas fait de séquençage systématique des variants, mais compare la 4e vague, à dominante Omicron (81% des variants isolés en novembre et 95% en décembre 2021), aux vagues antérieures ayant frappé l’Afrique du Sud. 

Les patients hospitalisés lors de la quatrième vague étaient plus jeunes et avaient significativement moins de comorbidités. Toutefois, la proportion de patients présentant une affection respiratoire aiguë était beaucoup plus faible (31,6% lors de la quatrième vague contre 91,2% lors de la troisième vague). La proportion de patients nécessitant une oxygénothérapie a aussi diminué de manière significative (17,6% à la quatrième vague contre 74% à la troisième vague), tout comme le pourcentage de patients sous ventilation mécanique. L’admission en soins intensifs était de 18,5% lors de la quatrième vague contre 29,9% lors de la troisième vague. La durée médiane du séjour hospitalier, qui était de 7-8 jours dans les vagues précédentes, a diminué à 3 jours lors de la 4e vague. Le taux de décès des patients hospitalisés, qui se situait entre 19,7% à la 1e vague et 29,1% à la 3e vague, a diminué à 2,7% lors de la 4e vague.

Une autre étude publiée en pre-print (non encore révisée par les pairs) donne encore des résultats similaires sur la 4e vague à dominance Omicron.9Early assessment of the clinical severity of the SARS-CoV-2 Omicron variant in South Africa | medRxiv Après avoir pris en compte les facteurs associés à l’hospitalisation et à la sévérité de la maladie, les analyses montrent que les personnes infectées par Omicron ont moins de chances d’être hospitalisées ou d’avoir une forme grave de la maladie que les personnes infectées par un autre variant. Les auteurs estiment qu’une partie de cette réduction de risque est probablement due à l’immunité acquise élevée de la population.

Enfin, une dernière étude, révisée par les pairs et publiée, s’intéresse aux effets de la vaccination et d’Omicron en Afrique du Sud10Effectiveness of BNT162b2 Vaccine against Omicron Variant in South Africa | NEJM. Elle montre qu’au cours de la période à dominante Omicron, l’efficacité de la vaccination contre l’hospitalisation était de 70%, ce qui est significativement inférieur à l’efficacité mesurée lors de la période de comparaison, où elle était de 93% . Cependant, cette étude donne aussi des informations intéressantes sur le variant Omicron. Si la positivité globale des tests était supérieure (24,4% pendant la période à dominante Omicron, contre 6,4% pendant la période de comparaison), le taux d’admission à l’hôpital pour Covid-19 des personnes testées positives était de 2,2% pendant la période Omicron contre 10,8% précédemment. Le tableau ci-dessous montre clairement la bien moindre dangerosité d’Omicron comparée aux variants précédents, quel que soit le statut vaccinal

Le taux d’admission par résultat de test positif peut être calculé comme suit :

  • Pour les non vaccinés : 220/7.889 = 2,79% pour Omicron contre 684/5231 = 13,08% pour la période de comparaison (autres variants);
  • Pour les vaccinés 2 doses avec Pfizer, au moins 14 jours après la seconde injection: 121/6290 = 1,92% pour Omicron contre 77/706 = 10,91% pour la période de comparaison;
  • Pour les vaccinés avec un autre vaccin : 54/3296 = 1,96% pour Omicron contre 80/1168 = 6,85% pour la période de comparaison.

Conclusion intermédiaire de cette étude de cas : 

Si la « vague Omicron » a pu être étudiée en détail en Afrique du Sud, il reste (outre la différence de structure d’âge déjà évoquée) deux limites quant à la transposition au cas de la Belgique : 

  • une population très peu vaccinée : 28% de vaccinés 2 doses, les 3e doses sont marginales;
  • un problème éventuel de reporting de décès et manque de prise en charge dans une partie de la population.

La comparaison avec d’autres pays européens est donc bien plus pertinente de ce point de vue. L’étude des cas danois et britanniques confirme la faible dangerosité et le très faible impact sur les hospitalisations observé en Afrique du Sud.  

  1. Le Danemark

Le Danemark a été le premier pays européen à connaître la vague Omicron, et le premier à atteindre des taux d’incidences inconnus jusqu’alors. On estime que cette vague a commencé durant la 1ere semaine du mois de décembre et au 30/12/21, plus de 90% des tests positifs étaient dus au variant Omicron 11https://files.ssi.dk/covid19/omikron/statusrapport/rapport-omikronvarianten-05012022-02k3 .  Du fait de sa précocité, le cas danois est donc particulièrement intéressant à étudier, d’autant que les données fournies par les autorités danoises sont particulièrement précises car désagrégées selon le statut vaccinal et l’âge.

Les données produites dans le rapport du Statent Serum Institut danois consacré au variant Omicron  montrent un nombre d’hospitalisations liées à Omicron tout à fait marginal : 112 hospitalisations dont moins de 5 en soins intensifs, au 02/01/22 12https://files.ssi.dk/covid19/omikron/statusrapport/rapport-omikronvarianten-03012022-9gj3, p. 7..

Pour rappel, le Danemark a une population totale de 5,8 millions d’habitants soit la moitié de la Belgique. Les pyramides des âges et les couvertures vaccinales belges et danoises sont très proches 1380% de la population totale du Danemark est vaccinée deux doses, contre 76% en Belgique.. Transposé à la Belgique un tel impact sur les hospitalisations serait à la limite du décelable si l’on tient compte des chiffres actuels.

Les données danoises fournissent également des enseignements utiles quant à l’efficacité des vaccins disponibles face à Omicron. Le tableau ci-dessous reprend la répartition des contaminations à Omicron selon le statut vaccinal.

Source : https://files.ssi.dk/covid19/omikron/statusrapport/rapport-omikronvarianten-31122021-ct18)

Sachant que le Danemark compte 80% de sa population complètement vaccinée, le fait d’être vacciné ne semble absolument pas protéger contre la contamination à l’Omicron. Face à ce variant, les vaccins actuels ne permettent donc pas de réduire la circulation du virus dans la population.

Les vaccins semblent en revanche efficaces pour éviter les formes graves, que ce soit avec 2 ou 3 doses. Les graphiques ci-dessous illustrent l’incidence en soins intensifs en fonction de l’âge et du statut vaccinal.

  1. Le Royaume-Uni et Londres

Les premiers cas détectés au Royaume-Uni remontent au 27/11/2021. Londres a connu la vague Omicron la plus précoce et la plus virulente (au niveau des cas) par rapport au reste du pays. En effet, cette vague commence à Londres le 12 décembre, et le pic de contaminations y est déjà dépassé. Nous nous intéressons donc plus précisément à cette région. 

Source : https://coronavirus.data.gov.uk/details/cases?areaType=region&areaName=London

Concernant Londres, il y a bien une hausse des admissions à l’hôpital, comme le montre le graphique ci-dessous :

Mais cette hausse est modérée et le pic semble avoir été dépassé dès le 29 décembre.  Surtout, les conséquences au niveau des hospitalisations graves (ici mesuré en patients sous respirateurs) sont minimes. 

Contrairement aux données danoises, les hospitalisations ne sont pas distinguées en fonction du variant (Omicron ou Delta). S’il est donc difficile de mesurer l’impact précis du variant Omicron, il semble bien que celui-ci soit minime en ce qui concerne les patients placés sous respirateurs. Le graphique ci-dessus montre que ce chiffre n’évolue quasiment pas depuis le début de la vague Omicron. La tendance est désormais légèrement à la baisse. La vague des hospitalisations a pourtant commencé durant la 2e semaine de décembre et en moyenne, on voit les tendances des soins intensifs suivre de 5 jours les hausses d’hospitalisation. 

Pour rappel, l’aire urbaine de Londres (soit la région NHS reprise ici) a une population supérieure à la Belgique (14,4 millions d’habitants). La forte hausse des hospitalisations concerne donc largement des cas relativement bénins, confirmant les observations faites à partir des données sud-africaines et danoises. Vu le taux d’incidence très élevé dans la population générale, il est aussi possible que cette hausse des hospitalisations Covid ne soit qu’apparente, car partiellement liée à des “cas” détectés chez des patients hospitalisés pour une autre raison que le Covid-19.

Le graphique ci-dessous publié par le Financial Times est très parlant. Il montre la déconnexion complète entre l’évolution des cas, des hospitalisations et des hospitalisations graves et des décès.

Le Covid vaccine surveillance report 14https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/1043608/Vaccine_surveillance_report_-_week_51.pdf britannique fournit des informations très précises sur l’efficacité des vaccins face au variant Omicron en distinguant les vaccinés 2 doses, 3 doses et les non-vaccinés :

–   Concernant la contamination, on ne perçoit aucune efficacité du vaccin dans les données britanniques. L’incidence des cas sur le mois de décembre 2021 apparaît même deux fois plus forte chez les personnes vaccinées 2 doses que chez les personnes non vaccinées entre 18 et 65 ans (p.40) ;

–   L’efficacité contre les infections symptomatiques par Omicron est tombée à ± 0% de 15 à 20 semaines après la 2e injection. L’efficacité du booster est réelle mais est déjà retombée à moins de 40% après à peine 10 semaines. (pp. 14-16).

Ces observations corroborent les données danoises en confirmant l’inefficacité du vaccin pour lutter contre la circulation du virus. L’efficacité de la 3e dose contre les formes symptomatiques semble en revanche avérée, même si celle-ci diminue rapidement.

  1. Perspectives pour la Belgique

À l’aune de l’étude des données des trois pays ayant quelques semaines d’avance sur nous dans la progression du variant Omicron, on peut tracer les perspectives suivantes pour la Belgique.

Une forte hausse des cas est à prévoir, mais probablement moins rapide que celle observée au Danemark et au Royaume-Uni. En effet, la Belgique sort d’une vague de contaminations au variant Delta extrêmement forte, bien supérieure à ce qu’ont connu ces deux pays. Selon Yves Coppieters, ceci pourrait avoir favorisé dans la population belge le développement d’une immunité acquise post-infection plus résistante 15https://www.rtbf.be/info/societe/detail_coronavirus-en-belgique-pour-yves-coppieters-il-serait-raisonnable-de-reduire-la-duree-de-quarantaine?id=10907541 

Cette immunité acquise récemment pourrait éviter d’avoir une courbe des contaminations aussi pentue et/ou un pic aussi élevé que celui observé chez nos voisins européens.

Si l’on se réfère aux enseignement tirés des expériences sud-africaines, danoises et britanniques, l’impact de la vague omicron en termes de pression hospitalière devrait consister en une hausse des hospitalisations au niveau des entrées (flux). Il s’agira très largement d’hospitalisations sans gravité avec un temps d’hospitalisation relativement court (3-4 jours). Ceci a deux conséquences :

–   Une augmentation des personnes hospitalisées (stock) rapide en début de vague mais qui se stabilisera assez vite ;

–   Un impact sur les soins intensifs très réduit voire quasi nul.

Ce dernier élément est crucial, sachant que les soins intensifs sont l’élément généralement avancé par nos autorités comme déterminant la politique de mesures restrictives.

Le graphique ci-dessous montre l’évolution globale du nombre de patients Covid-19 en soins intensifs au Danemark et au Royaume-Uni, comparé à la Belgique.

Les données disponibles en Belgique aujourd’hui (18/01) semblent jusqu’à présent s’inscrire dans ces tendances anticipées. Ainsi le nombre d’admissions en hôpital a augmenté, mais sur un rythme très modéré. Celle-ci est en effet de 8% sur une période de 7 jours. Surtout, on ne perçoit pas pour l’instant de tendance à une accélération de cette hausse. Le nombre de personnes hospitalisées avec Covid a bien connu une hausse : de 1857 unités le 8/01 à 2106 le 14/01. Ces deux tendances à la hausse ne semblent avoir aucun impact sur le nombre patients en soins intensifs qui continue sa décrue. Ces évolutions confirment le fait que les infections à Omicron sont d’une gravité infiniment inférieure à celle des autres variants si l’on prend comme référence le nombre de patients en soins intensifs pour Covid. 

Il faut à ce stade pointer deux limites dans nos observations, liées au fait que deux types de données ne sont pas fournies publiquement par Sciensano

  • La distinction entre patients hospitalisés pour Covid ou avec Covid. Déjà importante pour les autres variants, cette distinction devient fondamentale avec Omicron. En effet, vu la diffusion extrêmement élevée du virus dans la population couplée à la faible gravité du variant, un nombre toujours plus important de patients hospitalisés pour d’autres raisons seront PCR+. Les études concernant le cas sud-africain ont montré que cette situation concernait les deux tiers des patients hospitalisés avec Covid. 
  • Les entrées en USI. Si l’on dispose bien des flux (entrées et sorties) de patients hospitalisés avec Covid, on ne dispose pas de ces données concernant les soins intensifs. Ceci rend beaucoup plus difficile une vision de la dynamique à l’œuvre et, pour le cas qui nous intéresse, une attribution à Omicron d’éventuelles entrées en soins intensifs.  

Enfin concernant les décès liés à Omicron, on peut évaluer un impact qui oscillerait entre nul et difficilement décelable. La vague Omicron aurait fait environ 400 décès en Afrique du Sud (population plus jeune que la Belgique, mais 5 fois plus nombreuse). En Belgique, les décès avec Covid-19 sont déjà de l’ordre de 20/jour (au 15/01/22), ce qui ferait passer la “surmortalité” liée à Omicron observée en Afrique du Sud largement inaperçue. On n’observe pas de hausse de mortalité dans les pays européens que sont le Danemark et le Royaume-Uni depuis le début de la vague Omicron. 

Conclusion : 

On peut compléter les enseignements tirés des données des trois pays étudiés ici par les conclusions des modélisateurs de l’Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME) – institution partenaire de l’OMS pour le traitement des données de santé. Concernant Omicron, ses chercheurs aboutissent à des conclusions éclairantes16https://www.healthdata.org/covid/video/insights-ihmes-latest-covid-19-model-run :

–   La part de cas asymptomatiques serait de 90% voire 95% (contre 40% pour les autres variants) ;

–   La proportion de personnes contaminées nécessitant une hospitalisation serait de 90-96% inférieure à celle pour le variant Delta ;

–   La proportion de décès par contamination devrait être 97-99% inférieure à Delta.

Une étude américaine parue récemment a effectué une comparaison Delta-Omicron qui corrobore ces chiffres 17https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2022.01.11.22269045v1. Celle-ci conclut que le risque avec Omicron d’être admis en soins critiques est diminué de 71% et le risque de décès de 91%. Surtout aucun patient contaminé à Omicron n’a dû être intubé, sur une cohorte de plus de 52.297 patients étudiés. D’un point de vue strictement médical, un tel contraste entre Omicron et les variants précédents peut s’expliquer tout simplement par le fait que celui-ci ne s’attaque pas aux poumons 18https://www.nature.com/articles/d41586-022-00007-8

Tous ces éléments convergent pour affirmer que le variant Omicron nous fait entrer dans une nouvelle phase de l’épidémie, dans laquelle le Covid-19 devient une maladie endémique à faible gravité et qui n’a qu’un impact minime sur les soins intensifs. Plusieurs pays ont déjà pris la mesure de cette évolution. On peut citer ici l’Angleterre, qui s’apprête à supprimer le pass sanitaire à la fin du mois de janvier, ou Israël qui rouvre ses frontières et ses écoles et met en place un testing limité aux personnes à risque 19https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/01/10/touche-par-la-vague-omicron-israel-desserre-des-restrictions-jugees-trop-paralysantes_6108918_3244.html. Mais le cas le plus intéressant est peut-être l’Espagne où le Premier ministre Pedro Sanchez a annoncé le passage, pour une date encore indéterminée, à une nouveau mode de gestion du Covid basé sur celui de la grippe saisonnière. Tant les données disponibles convergentes que ces exemples étrangers devraient inciter la Belgique à revoir de manière fondamentale sa politique de lutte contre le Covid-19. Il faut rappeler ici que les restrictions que nous connaissons depuis mars 2020 ont été justifiées par la crainte de voir les soins intensifs saturés. Avec Omicron, cette menace n’existe plus, ni même celle d’un engorgement de ces soins intensifs qui conduirait à des reports de soins. 

La vague Omicron actuelle peut en revanche avoir comme conséquence une augmentation des hospitalisations classiques pour des séjours de courte durée. Même si celles-ci peuvent être conséquentes, il faut rappeler que la Belgique dispose de 50.000 lits dans ses hôpitaux. La proportion de patients hospitalisés avec Covid tourne donc autour de 4% de ces capacités, loin des 25% pour les soins intensifs justifiant les mesures restrictives. Il faut dès lors se demander urgemment si le Covid-19 représente encore un problème prioritaire de santé publique qui mérite de faire l’objet des restrictions draconiennes, dont ni la proportionnalité, ni l’efficacité, ni l’efficience ne sont démontrées. Ajoutons qu’avec le niveau de contagiosité du variant Omicron, il est encore plus douteux que lesdites mesures restrictives aient un effet. On peut ici mentionner le cas de l’Angleterre où ces mesures sont à un niveau minimum et où la courbe des contaminations n’est pas différente de ce qui peut être observé dans d’autres pays européens. 

Après presque deux ans de politique restrictives, un changement de paradigme demande évidemment de la préparation et donc du temps. Il est néanmoins essentiel d’intégrer cette nouvelle donne immédiatement en évitant de mettre en place des instruments structurels ne tenant pas compte des données relatives à Omicron. C’est par exemple le cas du baromètre Corona actuellement en discussion (basé sur les données du variant Delta) ou du débat autour de la vaccination obligatoire. Les données disponibles permettent ainsi d’établir que les vaccins actuels ne permettent pas d’empêcher la contamination à Omicron ni même de réduire la circulation du virus parmi la population. Ce constat fait, il faut se demander comment on peut toujours justifier des mesures comme l’obligation vaccinale du personnel soignant ou l’imposition du CST – et plus encore de la vaccination obligatoire – à des publics jeunes qui ne sont pas à risques.  

Notes

Notes
1 https://www.bmj.com/content/375/bmj.n3103
2 https://www.rtbf.be/info/societe/detail_nouveaux-records-de-cas-de-covid-19-au-danemark-ou-omicron-represente-80-des-infections?id=10905301
3 https://www.ema.europa.eu/en/events/ema-regular-press-briefing-covid-19-11
4 Smith, Theobald. 1887. Parasitic bacteria and their relation to saprophytes. American Naturalist 21:1–9.
5 Voir à ce sujet cette vidéo informative produite par lemonde.fr concernant les avenirs possibles de l’épidémie de SARS-Cov-2. Elle explique que ce qui apparaît de loin le plus probable est l’évolution du SARS-CoV-2 vers un virus endémique bénin comme les virus causant les rhumes.
6 https://www.nicd.ac.za/wp-content/uploads/2021/12/COVID-19-HOSPITAL-SURVEILLANCE-UPDATE_WEEK-48-2021_rev.pdf
7 https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S120197122101256X ;

https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3996320

8 https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2787776
9 Early assessment of the clinical severity of the SARS-CoV-2 Omicron variant in South Africa | medRxiv
10 Effectiveness of BNT162b2 Vaccine against Omicron Variant in South Africa | NEJM
11 https://files.ssi.dk/covid19/omikron/statusrapport/rapport-omikronvarianten-05012022-02k3
12 https://files.ssi.dk/covid19/omikron/statusrapport/rapport-omikronvarianten-03012022-9gj3, p. 7.
13 80% de la population totale du Danemark est vaccinée deux doses, contre 76% en Belgique.
14 https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/1043608/Vaccine_surveillance_report_-_week_51.pdf
15 https://www.rtbf.be/info/societe/detail_coronavirus-en-belgique-pour-yves-coppieters-il-serait-raisonnable-de-reduire-la-duree-de-quarantaine?id=10907541
16 https://www.healthdata.org/covid/video/insights-ihmes-latest-covid-19-model-run
17 https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2022.01.11.22269045v1
18 https://www.nature.com/articles/d41586-022-00007-8
19 https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/01/10/touche-par-la-vague-omicron-israel-desserre-des-restrictions-jugees-trop-paralysantes_6108918_3244.html

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