Petite compilation nº 8 – « La co-infection bactérienne dans la COVID-19 est un facteur de risque majeur de mortalité, d’admission en USI et de ventilation mécanique »

Brève revue biaisée (*) – et ‘cherry-picked’ assumée – de la littérature scientifique récente dont on ne parle pas par ailleurs. Un point commun entre ces différents articles est qu’ils rappellent des notions de base bien connues avant 2020 concernant les virus respiratoires et la gestion de leurs épidémies. Nous souhaitons les confronter aux mesures qui ont été prises dans le cas du SARS-CoV-2, et à leurs effets. Nous soulignerons ici quelques-uns de leurs apports principaux en ce sens et laisserons nos lecteurs se forger leur propre opinion.

(*) : Le terme (« biaisé ») est ironique et volontairement provocateur, afin de provoquer le débat. Il indique que nous avons sélectionné des articles d’une qualité incontestable et qui, n’allant pas dans le sens voulu par le narratif dominant, ne sont que très rarement cités, voire pas du tout, ou des articles qui opèrent un revirement considérable par rapport aux concepts qui ont dominé le champ scientifique durant la crise sanitaire de 2020-2022/23.

Épisode nº8

  • « COVID-19 bacteremic co-infection is a major risk factor for mortality, ICU admission, and mechanical ventilation » – Patton, M.J., Orihuela, C.J., Harrod, K.S. et al., Crit Care 27, 34 (2023). https://doi.org/10.1186/s13054-023-04312-0

Durant toute la période pandémique, et encore à l’heure actuelle, la mortalité accompagnant la COVID-19 a été présentée par les organes officiels comme directement attribuable au virus SARS-CoV-2, la composante de surinfection bactérienne parfois très précoce que peuvent rencontrer les malades de Covid-19 étant insuffisamment reconnue et considérée. La conséquence a été, pour bon nombre de médecins généralistes de première ligne, la mise à l’écart des antibiotiques au niveau de la prise en charge précoce, vu qu’on affirmait qu’il s’agissait ‘purement’ d’une infection virale, et qu’en 2020, il leur a été fortement déconseillé (euphémisme( de voir leurs patients présentant des symptômes de COVID-19 (et, ultérieurement, présentant un test PCR ou antigénique positif lorsqu’ils sont devenus disponibles et agréés) en présentiel mais de pratiquer plutôt la prescription électronique à distance. On comprend aisément que cette façon de faire — pour le moins étonnante — ne permet pas l’auscultation du patient et prive par conséquent le médecin de la capacité d’établir immédiatement un diagnostic de surinfection bactérienne.

L’article de Patton et al. rompt avec ce préjugé 1« Bacterial co-infection was found to confer the greatest increased risk for in-hospital mortality (UAB: 3.07 [2.42–5.46]; OLHS: 4.05 [2.29–6.97], p < 0.001 for both), ICU admission … Continue reading : « La co-infection bactérienne s’est avérée conférer le risque le plus élevé de mortalité hospitalière (les résultats sont détaillés dans la note 1), d’admission aux soins intensifs et de ventilation mécanique […] par rapport aux autres facteurs de risque de maladie grave. La mortalité observée dans le cas de co-infection bactérienne à la COVID-19 (24 %) dépasse considérablement le taux de mortalité associé à la bactériémie d’origine communautaire chez les patients hospitalisés avant la pandémie de COVID-19 (5,9 %) et reste similaire pour les variantes alpha, delta et omicron du SARS-CoV-2 ».

Dès 2020, des rapports et études larges ont indiqué ce nombre très important de surinfections bactériennes parmi les patients COVID-19 admis à l’hôpital 2En juin 2020, le problème des infections bactériennes était reconnu en Belgique, représentant 20% des hospitalisations et 34% des décès recensés comme dus à la Covid-19 … Continue reading.

Pourtant, dans des recommandations issues de l’Organisation Mondiale de la Santé ou des National Institutes of Health américains 3https://www.uptodate.com/contents/covid-19-management-in-hospitalized-adults?search=covid%20outpatient%20treatment&topicRef=139068&source=see_link#H641463052, le problème des infections bactériennes continue à être minimisé, notamment sur base d’une seule première méta-étude datant d’avril 2020 4https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7832079/ et concernant des patients hospitalisés (traduction libre) : « Dans la méta-analyse, une co-infection bactérienne (diagnostiquée lors de la présentation) a été identifiée chez 3,5% des patients et une infection bactérienne secondaire dans 14,3% des cas, la proportion globale étant de 6,9%. L’infection bactérienne était plus fréquente chez les patients gravement malades (8,1%) » 5« In the meta-analysis, bacterial co-infection (estimated on presentation) was identified in 3.5% of patients (95%CI 0.4–6.7%) and secondary bacterial infection in 14.3% of patients (95%CI … Continue reading.

D’autre part, quant à l’impact d’un traitement des patients hospitalisés pour Covid-19 avec des antibiotiques, l’étude PRINCIPLE menée en 2020, en double aveugle, au Royaume-Uni sur les traitements potentiels du COVID-19, a conclu 6https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33676597/ « Our findings do not justify the routine use of azithromycin for reducing time to recovery or risk of hospitalisation for people with suspected … Continue reading : « Nos résultats ne justifient pas l’utilisation systématique de l’azithromycine pour réduire le délai de guérison ou le risque d’hospitalisation des personnes suspectées d’être atteintes de COVID-19 dans la communauté », sans toutefois rendre compte du résultat médical sur les cas précisément avérés d’infection bactérienne admis à l’hôpital, ni sur la prise en charge précoce. Leur figure 2.B montre d’ailleurs un bénéfice clair sur la guérison après 7-14 jours pour près de 20% des patients identifiés « SARS-CoV-2-positive ».  

« Si une prise de décisions peut être littéralement une question de vie ou de mort, il importe que ceux qui prennent ces décisions le fassent avec les meilleures connaissances et que ces connaissances soient réellement un fondement pour changer les décisions. Agir sur base d’informations partielles ou erronées peut provoquer des effets dévastateurs » (How to Perform a Systematic Literature Review, A Guide for Healthcare Researchers, Practitioners and Students – Edward Purssell, Niall McCrae – Textbook 2020, Springer) 7https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-030-49672-2. Finalement, on peut comprendre que des recommandations officielles basées sur des données initiales, ou partielles, non mises à jour à l’aide de données fiables, récentes et plus larges, nous apparaissent comme une politique incompréhensible et de toute évidence délétère en termes de santé publique.


Prochain épisode : L’air, à l’intérieur, est plein de virus influenza et corona. Les pays feront-ils le ménage ?

Notes

Notes
1 « Bacterial co-infection was found to confer the greatest increased risk for in-hospital mortality (UAB: 3.07 [2.42–5.46]; OLHS: 4.05 [2.29–6.97], p < 0.001 for both), ICU admission (UAB: 4.47 [2.87–7.09], OLHS: 2.65 [2.00–3.48], p < 0.001 for both), and mechanical ventilation (UAB: 3.84 [2.21–6.12]; OLHS: 2.75 [1.87–3.92], p < 0.001 for both) across both cohorts, as compared to other risk factors for severe disease. Observed mortality in COVID-19 bacterial co-infection (24%) dramatically exceeds the mortality rate associated with community-acquired bacteremia in pre-COVID-19 pandemic inpatients (5.9%) and was consistent across alpha, delta, and omicron SARS-CoV-2 variants. »
2 En juin 2020, le problème des infections bactériennes était reconnu en Belgique, représentant 20% des hospitalisations et 34% des décès recensés comme dus à la Covid-19 (https://covid-19.sciensano.be/sites/default/files/Covid19/COVID-19_THEMATIC%20REPORT_COVID-19%20HOSPITALISED%20PATIENTS_FR.pdf). En 2021, des études sur des cohortes limitées de patients ont rapporté des taux similaires à New York (https://academic.oup.com/ofid/article/8/Supplement_1/S269/6450067) et jusque 41,4 % de patients Covid avec co-infection bactérienne en Inde (https://journals.asm.org/doi/10.1128/Spectrum.00163-21). Fin 2021, une méta-recherche incluant 64 études avec 61.547 patients dans le monde entier, conclut que, de décembre 2019 à août 2021, 21% des patients Covid-19 étaient infectés par au moins une bactérie pathogène (https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/jcla.24151). De plus, cette méta-étude a aussi identifié 12,6% de coinfection fongique parmi les patients COVID-19. Ceci devrait aussi faire l’objet d’études médicales approfondies car les infections fongiques représentent une menace majeure pour la survie des patients en soins intensifs, pouvant augmenter le taux de mortalité des patients sévèrement malades.
3 https://www.uptodate.com/contents/covid-19-management-in-hospitalized-adults?search=covid%20outpatient%20treatment&topicRef=139068&source=see_link#H641463052
4 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7832079/
5 « In the meta-analysis, bacterial co-infection (estimated on presentation) was identified in 3.5% of patients (95%CI 0.4–6.7%) and secondary bacterial infection in 14.3% of patients (95%CI 9.6–18.9%). The overall proportion of COVID-19 patients with bacterial infection was 6.9% (95%CI 4.3–9.5%). Bacterial infection was more common in critically ill patients (8.1%, 95%CI 2.3–13.8%) ».
6 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33676597/ « Our findings do not justify the routine use of azithromycin for reducing time to recovery or risk of hospitalisation for people with suspected COVID-19 in the community. »
7 https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-030-49672-2.

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