Analyse situation épidémiologique – 23/03/2021

Cette analyse tient compte des données disponibles au 23/03/2021.

1 : Les hospitalisations

Nous sommes toujours dans une phase régulière et lente, qui est tout sauf exponentielle. Rien n’indique que cette croissance va se poursuivre si l’on en croit l’évolution sur les derniers jours. En effet le nombre d’entrées est globalement stable autour de 180-210 depuis le 16 mars.

Nous étions sur un plateau avec une moyenne d’admission/jour entre 120 et 150 depuis début janvier. Cette moyenne est à 204 pour les 7 derniers jours. Il peut s’agir d’un nouveau plateau comme du début d’une augmentation régulière et lente. Les hôpitaux belges sont tout à fait capables de supporter un flux d’entrée de 200 ou même 250 entrées par jour1.

Le point problématique est le nombre de patients en SI. Ce chiffre augmente lentement mais régulièrement depuis le 11 mars. Une augmentation au rythme actuel n’est pas véritablement problématique au niveau sanitaire, d’autant qu’elle ne devrait pas durer plus de 3-4 semaines (voir infra).

Concernant les SI, nous avons très peu de moyens pour anticiper et modéliser, car des données cruciales nous manquent dont notamment le nombre d’entrées en SI/jour, le temps de séjour moyen, etc. L’absence du nombre d’entrées par jour fait que Sciensano renseigne sur le stock, mais pas sur les flux. Cette donnée est publique dans la plupart des pays étrangers. Elle est cruciale pour anticiper les évolutions dans le domaine le plus sensible, à savoir les hospitalisations SI. D’autres données sont nécessaires pour apprécier et anticiper au mieux la situation dans les hôpitaux2.

Il semble en outre que le passage en phase 1B ait conduit certains hôpitaux à modifier ces données alors qu’il n’y a pas véritablement d’entrée de nouveaux patients.

2 : Les contaminations

C’est le principal argument conduisant à s’inquiéter de l’évolution de la situation. Mais là encore, la croissance n’est pas exponentielle mais linéaire. La croissance du nombre de cas a d’ailleurs déjà ralenti. Pour rappel, nous avons depuis 3 mois des hausses et des baisses du nombre de cas, sur des cycles de 2 ou 3 semaines. La croissance constatée ces derniers jours est cependant particulièrement forte. Voir le graphique ci-dessous extrait du site de sciensano.

Les deux derniers points de cette courbe, tendent à montrer que nous avons atteint le point à partir duquel la croissance des cas se poursuit mais de manière de moins en moins forte.

Par ailleurs le taux de reproduction (Rt) est de 1,14. Ce niveau n’a rien d’inquiétant. Nous avions par exemple atteint un tel niveau il y a 3 semaines. Nous sommes loin d’une explosion et, par comparaison, le Rt était à 1,5 au moment de la 2ème vague en septembre.

Mais cette croissance doit s’apprécier du fait de l’augmentation du nombre de tests, très important ces derniers jours. Le critère à prendre en compte est le taux de positivité. Celui-ci a augmenté pour atteindre 7,5% (contre 6,8% la semaine dernière). C’est un niveau inquiétant mais l’augmentation est ici modérée.

Une donnée à prendre avec prudence :

Il faut avoir à l’esprit que les cas recensés ne sont qu’une partie des cas totaux dans la population (1/2, 1/3, ¼ ?). Ceci fait qu’une augmentation des cas détectés ne signifie pas forcément une augmentation réelle, en tout cas dans les mêmes proportions. C’est un peu comme un sondage qui a une marge d’erreur.

On peut encore ajouter que les tests PCR naso-pharyngés dit positifs ne distinguent les cas à forte charge virale (plus contagieux et plus à risques de complication) et les cas à faible charge virale dont les risques de transmission, de santé, sont beaucoup plus faibles.

Le lien contaminations-hospitalisation : 

D’habitude, une hausse des contaminations entraîne une hausse des hospitalisations, une ou deux semaines plus tard. Mais il n’est pas certain que ce sera le cas ici car la hausse de contamination concerne largement les moins de 20 ans qui ne sont absolument pas à risque. Cette semaine, A. De Croo a lié les deux en expliquant que les contaminations des écoliers entraînent une hospitalisation des parents. Ce lien n’est absolument pas établi sachant que la plupart des parents ne sont pas à risque (- de 65 ans et pas forcément de facteurs de risques connus comme l’hypertension, le diabète, les problèmes cardiovasculaires ou respiratoires…). Un message judicieux à faire passer serait de demander de postposer les visites aux grands-parents et autres personnes à risque ou être particulièrement prudent lors de ces rencontres, tant que l’on sait que le virus circule dans les écoles.

Sur la hausse dans les écoles : 

On a plus testé dans les écoles. L’important est donc de regarder le taux de positivité des élèves testés. Le graphique ci-dessous extrait du rapport hebdomadaire de sciensano reproduit ce taux de positivité par tranche d’âge.

On voit que le taux de positivité chez les 0-19 ans a bien augmenté, mais pas dans une proportion clairement plus importante que le reste de la population. Ce graphique permet aussi de rappeler que le taux de positivité des 10-19 était bien plus élevé fin février. A l’époque, personne n’a demandé de fermer les écoles.

Par ailleurs, pour une analyse plus fine, nous aurions besoin de connaître la politique de test dans les écoles. Celle-ci a-t-elle changé ? S’agit-il de testing aléatoire ou dirigé sur certains établissements ou zones ? Comme toujours, les éléments de contexte et la stratégie de testing appliquée par les autorités manquent cruellement pour avoir une analyse complète.

3 : La mortalité

La politique de confinement a toujours été menée avec pour objectif de limiter le nombre de décès. Il semble cependant que l’on perde progressivement cet objectif de vue. Nous sommes en effet en sous-mortalité depuis de début de l’année et la vaccination des maisons de repos (déjà réalisée) et des moins de 65 ans projetée devrait faire chuter la mortalité sur l’année 2021.

4 : Contexte et perspectives

Au total, les données dont nous disposons montrent que l’on n’est pas dans une situation d’explosion comparable – et de loin – à ce que nous avons connu en octobre au moment de la seconde vague. Ce que nous observons se rapproche plus des rebonds que nous avons connus à l’été 2020 ou de la hausse linéaire et continue de septembre… qui nous a ensuite amenés à la seconde vague. 

Mais il y a des différences fondamentales avec la situation de septembre : 

  • Les vacances de Pâques sont dans deux semaines. Toutes les vacances scolaires voient une diminution du nombre de contaminations. Non seulement parce que les écoles sont fermées mais aussi parce que beaucoup de parents ne vont pas travailler. La hausse que nous connaissons devrait donc logiquement s’interrompre là (même si l’effet ne se verra pas au 1er jour de vacances) ; 
  • Après le 17/04 nous aurons deux phénomènes qui devraient atténuer le problème Covid : 

o L’arrivée du (vrai) printemps qui ne peut avoir qu’un effet bénéfique sur un virus saisonnier

o Les effets bénéfiques de la vaccination. L’important ici n’est pas de regarder le % de la population totale mais le % des plus de 65 ans. On peut espérer que dans un mois, ce % soit suffisamment important pour atténuer non seulement les décès (comme c’est déjà le cas) mais aussi les hospitalisations

5 : Lockdown strict et exemples étrangers

Le plan C proposé par le GEMS prévoit notamment de fermer les écoles et les commerces non-essentiels. Il se base également sur l’exemple de l’Allemagne qui resserre sa politique de confinement. L’Allemagne et les Pays-Bas sont dans une situation comparable à celle proposée par le GEMS c’est-à-dire des écoles et des commerces non-essentiels fermés. L’évolution du nombre de cas sur ces deux pays et la Belgique montre que cette politique plus dure n’est efficace que jusqu’à un certain point.

On voit bien, que si le nombre de cas a baissé, l’évolution est la même entre les Pays-Bas et la Belgique depuis le début du mois de février, alors que commerces et écoles étaient fermés chez nos voisins. Malgré un lockdown strict et long, l’Allemagne a vu le nombre de ses cas augmenter de nouveau récemment ce qui l’a conduit à durcir encore sa politique. L’efficacité de ces mesures reste donc à démontrer et on peut se demander si nos voisins sont véritablement des exemples à suivre.

Signataires (dans un ordre aléatoire)

  • Raphael Lefevere, Université de Paris
  • Pierre-François Laterre, UCLouvain – Cliniques Saint-Luc
  • Vincent Laborderie, UCLouvain
  • Irène Mathy, USLB
  • Elisabeth Paul, ULB
  • Mélanie Dechamps (UCLouvain)
  • Vinciane Debaille (ULB)

1 En comparaison, il y a autour de 30.000 entrées dans les hôpitaux pas semaine (voir : https://aim-ima.be/IMG/pdf/ima-covid19-admissions_hopitaux-20210203.pdf)

2 La durée de séjour en SI (certaines personnes y sont depuis des semaines/mois), la part de patients entrés pour Covid versus ceux qui ont été détectés positifs à leur entrée à l’hôpital, la distribution par âge des patients hospitalisés Covid.