Depuis le début de la pandémie, les autorités belges ont fait fi des principes établis de la santé publique (y compris ceux dégagés des expériences antérieures de lutte contre les épidémies), de la médecine et de l’Etat de droit. Vu l’accumulation des connaissances sur le virus SARS-CoV-2 et sur le Covid-19, la maladie qu’il contribue à provoquer chez certains,1Il est utile de préciser que 40% des infections au SARS-CoV-2 sont totalement asymptomatiques : Global Percentage of Asymptomatic SARS-CoV-2 Infections Among the Tested Population and … Continue reading nous appelons à un changement drastique d’approche, ou de paradigme,2COVID-19: time for paradigm shift in the nexus between local, national and global health | BMJ Global Health dans la gestion de la crise. L’arrivée du variant Omicron, à la fois beaucoup moins virulent et moins sensible aux vaccins actuels,3Characteristics and Outcomes of Hospitalized Patients in South Africa During the COVID-19 Omicron Wave Compared With Previous Waves | Global Health | JAMA | JAMA Network ; Omicron’s feeble … Continue reading ne fait que renforcer l’urgence du changement de paradigme à opérer. Même la prestigieuse revue Nature estime en effet que:
“… what is clear is that the hope that vaccines and prior infection could generate herd immunity to COVID-19 — an unlikely possibility from the start — has all but disappeared. It is widely thought that SARS-CoV-2 will become endemic rather than extinct, with vaccines providing protection from severe disease and death, but not eradicating the virus.”4COVID is here to stay: countries must decide how to adapt (nature.com)
Les mesures uniformes ne sont ni efficientes, ni équitables ; revenons aux principes fondamentaux de la santé publique
Le SARS-CoV-2 ne touche pas tout le monde de la même façon ; au contraire, les principaux facteurs de risque de développer une forme sévère de Covid-19 sont bien connus,5Voir notamment notre analyse et ses références : Covid-19 et réduction du risque d’hospitalisation : pour une stratégie ciblée sur la base des profils cliniques des malades – Le blog du … Continue reading ils n’ont pas évolué malgré les mutations du virus et demeurent les mêmes chez les personnes vaccinées victimes d’infections dites “de percée” (infection de personnes vaccinées).6Risk Factors for Severe COVID-19 Outcomes Among Persons Aged ≥18 Years Who Completed a Primary COVID-19 Vaccination Series — 465 Health Care Facilities, United States, December 2020–October … Continue reading
Face à l’hétérogénéité et à la complexité du Covid-19, n’est-il pas grand temps d’arrêter de recourir à des solutions simples, identiques pour tout le monde? Par définition, celles-ci ne sont pas efficientes: elles ont des coûts énormes alors qu’elles sont peu efficaces et même inutiles pour une grande partie de la population – d’autant plus avec la progression de l’immunité acquise au sein de la population et la moindre virulence d’Omicron, qui en réduisent les bénéfices attendus. Elles sont également inéquitables, l’équité “horizontale” en santé référant au fait d’offrir le même service à besoin égal, mais certainement pas le même service à besoin différent)7Merson M, Black R, Mills A (Eds) (2006) International Public Health: Diseases, Programs, Systems, and Policies. Jones and Bartlett Publish. (2nd ed.) (sans même parler de l’inéquité entre les pays du globe)8Decolonising human rights: how intellectual property laws result in unequal access to the COVID-19 vaccine | BMJ Global Health. La littérature montre d’ailleurs que les restrictions non ciblées adoptées contre le Covid-19 ont accru les inégalités.9Association of Human Mobility Restrictions and Race/Ethnicity–Based, Sex-Based, and Income-Based Factors With Inequities in Well-being During the COVID-19 Pandemic in the United States | Public … Continue reading Certaines de ces mesures risquent aussi d’avoir des effets indirects délétères.10Are vaccine passports and covid passes a valid alternative to lockdown? | The BMJ ; Microsoft Word – GDHRNet Working Paper #2.docx (ssoar.info)
Au contraire de cette approche actuelle, il convient, d’une part, de développer des stratégies de riposte au Covid-19 ciblées sur les différents profils à risque (personnes en maison de repos, autres personnes âgées, personnes diabétiques, obèses, hypertendues, avec problèmes cardiaques, respiratoires, rénaux ou neurologiques préalables, populations allochtones ou défavorisées, enfants en mauvaise santé,…) et, d’autre part, d’élaborer une stratégie globale et cohérente de promotion de la santé en général,11When the worldwide response to the COVID-19 pandemic is done without health promotion – Linda Cambon, Henri Bergeron, Patrick Castel, Valéry Ridde, François Alla, 2021 (sagepub.com) s’appuyant sur les expériences précédentes en matière de lutte contre les épidémies et les résolutions internationales qui en ont résulté.12https://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/2016-political-declaration-HIV-AIDS_fr.pdf Rappelons à cet effet la définition de la santé selon la constitution de l’OMS : « un état de complet bien-être physique, mental et social et [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».13Constitution (who.int) Notons également que les maladies chroniques tuent beaucoup plus que les maladies infectieuses, et contribuent à renforcer la susceptibilité à ces dernières.14De quoi meurent les Belges ? – Le blog du #covidrationnel
Il est illusoire de vouloir contrôler le virus ; apprenons à renforcer la résilience et la santé de base de la population
La quasi-totalité des mesures de riposte au Covid-19 vise à empêcher le virus de circuler, ou du moins à ralentir sa propagation : confinements, télétravail, fermeture des écoles, “bulles” de contact, port du masque, fermetures sectorielles, vaccination “altruiste” des jeunes. Comme le démontre à loisir la quatrième vague en Belgique, ou encore la vague due à Omicron dans des pays tels que le Royaume-Uni ou le Danemark, ce virus est quasiment impossible à contrôler. Ce qui est logique, dès lors qu’il se transmet par aérosols, qu’il s’agit d’une zoonose (un virus qui circule parmi les humains mais aussi parmi de nombreuses espèces animales)15Backward transmission of COVID-19 from humans to animals may propagate reinfections and induce vaccine failure – PubMed (nih.gov) et qu’il est sujet à une haute fréquence de mutations, donc de production de variants d’échappement. Les mesures de contrôle du virus sont non seulement vouées à l’échec, dans la durée, mais en plus elles font peser des coûts énormes sur la société, en particulier sur les plus faibles.16Harms of public health interventions against covid-19 must not be ignored | The BMJ ; The Impact of the COVID-19 Pandemic and Policy Responses on Excess Mortality | NBER; Frontiers | COVID-19: … Continue reading
Dès lors que vouloir contrôler la circulation du virus est une stratégie qui ne parvient pas à rencontrer son objectif et qui, dans le même temps, produit des effets collatéraux indésirables, visons plutôt à mieux comprendre les mécanismes favorisant la transition de l’infection vers des formes sévères de la maladie, afin de les réduire.17“When My Information Changes, I Alter My Conclusions.” What Can We Learn From the Failures to Adaptively Respond to the SARS-CoV-2 Pandemic and the Under Preparedness of Health Systems to Manage … Continue reading Ceci passe à la fois par la promotion d’une bonne hygiène de vie, par la prévention des facteurs de risque et des comorbidités, ainsi que par la prise en charge précoce, par les médecins généralistes, des personnes infectées.18https://kce.fgov.be/fr/soins-ambulatoires-aux-patients-covid-19-dans-le-contexte-d%E2%80%99une-saturation-des-h%C3%B4pitaux-belges ; … Continue reading Il s’agit d’ailleurs là de respecter un des grands principes de la qualité des prestations de services de santé, à savoir leur continuité.19WHO_MBHSS_2010_full_web.pdf
Ce n’est pas la population qui doit s’adapter au système de santé, c’est le système de santé qui doit s’adapter aux besoins de la population
Depuis le début de la pandémie de Covid-19, les autorités imposent, de façon autoritaire, des mesures parfois extrêmes (confinements, fermeture des frontières ou des écoles, Covid Safe Ticket qui divise la population), ayant des coûts sociétaux, économiques, juridiques et sanitaires énormes,20Voir notre essai d’analyse : Les mesures de lutte contre le Covid-19 ont aussi des coûts! Elles pèsent de façon disproportionnée sur les pauvres et les vulnérables – Le blog du … Continue reading pour “aplatir la courbe” voire “sauver le système de soins de santé”. Il s’agirait donc, pour la population, de devoir s’adapter aux contraintes du système de santé – ce dernier étant paradoxalement une variable beaucoup plus susceptible d’être influencé par l’action publique (« policy-dependent ») que le contrôle d’un virus zoonotique à transmission aérosole ! – même si les mesures adoptées sont contraires aux droits fondamentaux et nuisent au bien-être mental et social. Or, dans son rapport sur la santé dans le monde de 2000, qui est fondateur pour ce qui concerne la conceptualisation et l’analyse de la performance des systèmes de santé, l’OMS estime que ceux-ci poursuivent trois grands objectifs : améliorer la santé (y compris son équité), répondre aux attentes de la population et répartir équitablement la contribution financière.21Rapport sur la santé dans le monde 2000 : Pour un système de santé plus performant (who.int) La réactivité aux attentes de la population est donc un objectif à part entière des systèmes de santé, qui ne domine pas l’amélioration de la santé de la population couverte. Il n’a jamais été question, avant cette crise, d’adapter les comportements de millions de gens aux besoins du système de santé. Au contraire, c’est le système qui doit s’adapter aux besoins changeants (vieillissement, écarts grandissants dans le niveau socio-économique, technologies nouvelles, pandémie) de la population!
Ce principe dépasse d’ailleurs le cadre du système de soins de santé et s’applique à l’ensemble du système sociétal. Ainsi, dans une note préparée à la demande du Président du Conseil de l’Union européenne à l’occasion de la réunion des ministres des finances de l’UE le 17 mars 2020, l’impact majeur de la pandémie de Covid-19 sur l’économie mondiale et européenne a été souligné. Elle invite à inclure un budget de santé national suffisant pour le renforcement du système de santé et la revalorisation des personnels soignants, à des mesures ciblées pour soutenir les secteurs les plus touchés, ainsi qu’à la mise en place d’un fonds d’urgence pour couvrir les nombreux effets secondaires du choc.22PC-06-2020-130320.pdf (bruegel.org)
Le système de soins de santé ne se limite pas aux hôpitaux ; au contraire, les soins de santé primaires sont à privilégier
Depuis le début de la crise, sans justification sanitaire crédible, les autorités ont décidé de réduire l’intervention de la première ligne de soins à peau de chagrin et de focaliser la prise en charge des cas de Covid-19 au niveau des hôpitaux23Voir les directives de Sciensano: Traitement | Coronavirus Covid-19 (sciensano.be) ainsi que l’historique des changements de procédures: “Privilégier anamnèse et prise en charge téléphonique … Continue reading – c’est-à-dire lorsque les patients sont déjà très atteints, de façon systémique, par la maladie. La politique de contrôle de l’épidémie se justifie d’ailleurs, avec une systématique qui frise l’indécence, par la saturation des hôpitaux (ou des soins intensifs) qui légitimerait les “tours de vis” que les décideurs semblent affectionner. Or, il s’agit à nouveau d’une erreur fondamentale et stratégique qui révèle une méconnaissance difficilement compréhensible aussi bien des politiques de renforcement des systèmes de santé que des bonnes pratiques ayant fait leurs preuves dans la lutte contre le VIH et la tuberculose.24Le Sida dans le monde: Entre science et politique – Peter Piot – Google Livres
Ainsi que le rappelle l’OMS dans son rapport sur la santé dans le monde de 2008,25DocHdl1OnPTR1tmpTarget (who.int), et comme la communauté internationale l’a affirmé au cours de déclarations successives, telles que la déclaration d’Astana en 201826gcphc-declaration-fr.pdf (who.int) ou la déclaration politique de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la couverture santé universelle de 2019,27L’Assemblée générale entérine une Déclaration politique sur la couverture sanitaire universelle « l’accord le plus global jamais passé sur cette question » | Couverture des réunions … Continue reading les soins de santé primaires (la première ligne) constituent le fondement des systèmes de santé. Ils sont à la fois plus efficients (moins coûteux mais tout aussi efficaces, voire davantage), plus équitables et réactifs aux besoins des populations. Par ailleurs, les systèmes hospitaliers sont aujourd’hui dessinés pour fonctionner à flux tendu. Les nombreuses fermetures de lits liée à une politique de rationalisation de l’offre hospitalière au cours des trente dernières années n’ont eu d’autre but que d’améliorer la rentabilité de l’hôpital en évitant des lits vacants. On estime qu’une cible optimale d’occupation des lits de soins intensifs soit d’environ 70-75%.28Optimal occupancy in the ICU: A literature review – Australian Critical Care Les soins intensifs sont généralement remplis à 70-80% dans les pays de l’OCDE29Lits d’hôpital et taux d’occupation | Panorama de la santé 2021 : Les indicateurs de l’OCDE | OECD iLibrary (oecd-ilibrary.org) mais avec, par exemple, un taux d’occupation supérieur à 90% sur le premier semestre 2019 pour l’hôpital Erasme.30Le Service des Soins Intensifs de l’Hôpital Erasme (Cliniques Universitaires de Bruxelles) – ScienceDirect
La volonté de rentabilité de nos hôpitaux implique une organisation qui ne peut plus absorber un pic épidémique infectieux, que ce soit le Covid-19 ou la grippe également avant lui (les saturations des soins intensifs lors des périodes de grippe saisonnière ces dernières années sont une réalité bien connue des services hospitaliers; par ailleurs, la question du tri des patients dans les services de soin est une problématique et un vécu qui n’a pas attendu la Covid-19 pour s’inviter dans les pratiques hospitalières: une abondante littérature traite de la “médecine du tri”).31La médecine du Tri. Histoire, éthique, anthropologie – Centre Georges Canguilhem (univ-paris-diderot.fr) Miser l’entièreté de la prise en charge du Covid-19 sur les hôpitaux est non seulement une erreur de gouvernance (mauvaise utilisation des ressources publiques) mais aussi, d’une certaine manière, une mise en danger de la vie d’autrui, vu que cela exclut de facto certaines catégories de populations des soins et pousse à l’aggravation des manifestations du Covid-19 chez de nombreux patients qui pourraient être pris en charge avant que leur maladie ne devienne systémique.
On ne vient pas à bout des épidémies par une gestion autoritaire fondée sur la peur ; mais par une gestion décentralisée fondée sur la confiance
La riposte au Covid-19 en Belgique s’est appuyée quasi exclusivement sur des injonctions gouvernementales – souvent non fondées sur une littérature scientifique rigoureuse, parfois fantaisistes, voire même à tendance autoritariste à l’égard de la population: mélange d’obligations (quarantaines, port du masque (même en plein air), Covid Safe Ticket (et, bientôt, pass ou obligation vaccinale ?) et d’interdictions (d’aller à l’étranger sans raison essentielle ou de revenir sans se soumettre à un Passenger Locator Form, de pratiquer son activité professionnelle, d’aller à l’école ou à l’université, d’aller chez le coiffeur, de voir ses proches, de se rassembler (même à l’extérieur), de faire du sport (sauf le kayak), d’avoir des activités culturelles, de se tenir la main en rue, de s’asseoir sur un banc public, de sortir de chez soi la nuit, de se rendre au chevet de ses patients, de dire adieu à ses proches mourants, de se rendre aux toilettes lorsqu’on visite le jardin de ses voisins,…), le tout généralement assorti de sanctions pénales sévères.
L’Etat, illustrant de façon caricaturale ce que Foucault dénonçait au sujet du “gouvernement des corps” et du “biopouvoir”, semble s’être emparé du pouvoir souverain de réguler les moindres détails des comportements des 11,5 millions de Belges32Didier Fassin & Dominique Memmi, eds, Le Gouvernement des corps (openedition.org) – et ceci “pour leur bien”, sans laisser entrevoir (ou vouloir voir) qu’il existe des alternatives. Par ailleurs, les messages véhiculés par les autorités et les médias dominants sont quasiment exclusivement fondés sur la peur – peut-être pour faire de l’audience, peut-être pour s’assurer une plus grande docilité des gens (nudging).33Politique de la peur | Cairn.info; Thaler, Richard, and Cass Sunstein (2008) Nudge: Improving Decisions About Health, Wealth, and Happiness Penguin books. Or, les épidémies ne sont pas uniquement des phénomènes biochimiques : elles sont des phénomènes complexes difficilement contrôlables, et comportent de multiples dimensions sociales, politiques et même commerciales. De nombreux chercheurs, juristes et praticiens de santé ayant l’expérience de la gestion des épidémies ont alerté, et continuent d’alerter, la communauté internationale face à ces dérives autoritaires qui sont à la fois inefficaces, inéquitables et insoutenables à moyen terme. Ils appellent au contraire à revenir à une gestion fondée sur les communautés bénéficiaires, la confiance, la transparence, le dialogue et la démocratie.34Reclaiming comprehensive public health | BMJ Global Health ; Addressing public health’s failings during year one of Covid-19 – EClinicalMedicine (thelancet.com) ; “When My Information … Continue reading
Dès 1987, lors de la 42ème Assemblée des Nations Unies, le regretté Jonathan Mann, alors Directeur du “Special Program on AIDS”, mettait le monde en garde contre ce qu’il appelait alors “La Troisième épidémie”, à savoir la crise économique, sociale, politique et culturelle qui, avec celle du virus et celle de la maladie, a été reconnue comme une menace mondiale:
“Fear and ignorance about AIDS continue to lead to tragedies: for individuals, families and entire societies. Unfortunately, as anxiety and fear causes some to blame others, AIDS has unveiled the dimly disguised prejudices about race, religion, social class, sex and nationality. As a result, AIDS now threatens free travel between countries and open international communication and exchange.”
“…threatening infected persons with exclusion – or worse – will drive the problem “underground” ~ wreaking havoc with education efforts and testing strategies. Therefore, how societies treat the AIDS virus~infected people will not only test fundamental values, but will likely make the difference between success and failure of AIDS control strategies at the nation~level. To the extent that we exclude AIDS infected persons from society we endanger society while to the extent that we maintain AIDS infected persons within society, we protect society. This is the message of realism and of tolerance.” Jonathan Mann
Suite à quoi, la riposte à la pandémie de VIH/Sida a adopté un tournant historique pour reposer sur une approche fondée sur les droits, qui nous serait bien utile dans le contexte actuel.35Can There Be A Democratic Public Health? From HIV/AIDS to Covid-19 | African Arguments
Arrêtons de culpabiliser les gens pour la santé d’autrui ; apprenons-leur plutôt à se responsabiliser pour leur propre santé
Un autre exemple de raisonnement contre-productif mis au jour dans le cadre de la gestion de la pandémie tient dans la culpabilisation perpétuelle de “boucs émissaires”, à l’image des discours tenus lors des épidémies de la peste noire au Moyen-Age36Dick Harrison, De zwarte dood. De pandemie van de pest, Utrecht, Ed. Omniboek, 2021 qui seraient responsables de l’épidémie : les skieurs rentrant de leurs vacances de Carnaval (sans qui la Belgique aurait échappé à la pandémie mondiale), les fêtards du 13 mars 2020, ceux qui portent le masque sous le nez, les jeunes qui se rassemblent dans les parcs aux beaux jours, les étudiants revenant de leur kot infecter leurs parents, les enfants soi-disant “moteurs de l’épidémie”, pour enfin en venir aux non-vaccinés, ou aux vaccinés avec un moins bon vaccin que ceux à ARN messager, ou ceux qui n’auraient pas reçu leur troisième, bientôt quatrième… dose. Non sans cynisme, il est étonnant que personne n’ait songé à culpabiliser ni les personnes âgées, ni les personnes en surpoids ou à comorbidités marquées, qui pourtant constituent l’immense majorité des personnes hospitalisées pour Covid-19.
Or, du fait de son mode de transmission, la circulation du SARS-CoV-2 est pratiquement impossible à contrôler, même avec les vaccins actuels37Effect of Covid-19 Vaccination on Transmission of Alpha and Delta Variants | NEJM dont l’efficacité se réduit rapidement,38Elapsed time since BNT162b2 vaccine and risk of SARS-CoV-2 infection: test negative design study | The BMJ ; Correlation of SARS-CoV-2-breakthrough infections to time-from-vaccine | Nature … Continue reading surtout avec l’arrivée du variant Omicron.39Third BNT162b2 Vaccination Neutralization of SARS-CoV-2 Omicron Infection | NEJM ; Effectiveness of BNT162b2 Vaccine against Omicron Variant in South Africa | NEJM ; SARS-CoV-2 Omicron VOC … Continue reading
Sur le plan juridique, l’idée de retenir un quelconque lien causal entre le comportement de certains personnes et la transmission du virus est un non-sens total, tant il y a d’autres facteurs et paramètres en jeu et qui viennent s’interposer entre le comportement stigmatisé et le fait pour une autre personne d’être contaminée. Il ne saurait y avoir aucune responsabilité personnelle pour “avoir contaminé” une autre personne du seul fait de ne pas avoir respecté certaines mesures recommandées. Sur le plan de la santé publique, il est également inadmissible de fonder une politique publique sur la stigmatisation de certains groupes sociaux parce qu’ils seraient hypothétiquement les principaux responsables de la santé d’autrui. En revanche, vu le rôle déterminant des comorbidités dans la sévérité de la maladie, il est grand temps de responsabiliser davantage nos concitoyens – au sens positif du terme, sans les culpabiliser ni les infantiliser – quant à leur propre état de santé, en leur donnant les moyens de reprendre celle-ci en main (soutien au suivi psychologique, nutritionnel, sportif, …).
Ici encore, la politique de santé promue par le gouvernement semble totalement ignorer toutes les avancées dans la lutte contre les épidémies depuis plus de trente ans. L’expérience de la lutte contre le VIH a prouvé à suffisance le rôle-clé des approches communautaires dans l’accélération de la “cascade” de prévention, dépistage et traitement et la suppression de la charge virale chez les personnes infectées. Ainsi, en se mettant à l’écoute des besoins des communautés pour mieux y répondre, en luttant contre toutes les formes de discrimination et de stigmatisation, y compris et parfois surtout, de la part du personnel de soin lui-même, des stratégies de dépistage et de soins différenciées en fonction des publics ont été mises en place. En parallèle, des approches ont été développées afin de faire tomber les barrières structurelles à la cascade pour les populations les plus exposées.40Building the evidence base to optimize the impact of key population programming across the HIV cascade (nih.gov)
Notons également que la responsabilisation des personnes pour leur santé permettrait de mieux concilier les objectifs de santé publique avec le principe du “consentement éclairé”, qui n’est possible qu’à condition de promouvoir la confiance à l’égard des vaccins, de garantir la prévention des effets indésirables et leur indemnisation le cas échéant et enfin, de laisser le choix vaccinal.41Informed Consent and Public Health: Are They Compatible When It Comes to Vaccines? (umaryland.edu)
Face à l’épidémie de Covid-19, plusieurs auteurs appellent à l’intégration de cette maladie avec les autres maladies respiratoires saisonnières.42A National Strategy for the “New Normal” of Life With COVID | Infectious Diseases | JAMA | JAMA Network; … Continue reading Nous allons plus loin et estimons qu’une stratégie ciblée sur les comorbidités et la prise en charge précoce permettrait de soulager considérablement le système de santé du fardeau du Covid-19 – ainsi que d’autres maladies d’ailleurs.43Covid-19 et réduction du risque d’hospitalisation : pour une stratégie ciblée sur la base des profils cliniques des malades – Le blog du #covidrationnel
Les enfants ne sont pas des variables d’ajustement ; il est du devoir de la société de les protéger
Alors qu’ils ne sont quasiment pas concernés par les formes sévères de Covid-19, et que contrairement à ce qui s’entend parfois dans la bouche même des experts officiels, ils ne constituent pas le moteur de l’épidémie,44COVID-19 Transmission and Children: The Child Is Not to Blame | Pediatrics | American Academy of Pediatrics (aap.org); Children are unlikely to be the main drivers of the COVID‐19 pandemic – A … Continue reading les enfants paient un lourd tribut du fait des décisions gouvernementales : pertes au niveau de l’enseignement (fermeture des classes et plus récemment, quarantaines à répétition et port du masque) qui auront des conséquences, à terme, sur l’éducation et la santé (surtout des plus faibles);45https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2772834?utm_source=silverchair&utm_campaign=jama_network&utm_content=covid_weekly_highlights&utm_medium=email; Learning loss … Continue reading culpabilisation, peur et traumatisme; et vaccination dont la balance bénéfice-risque est très mal établie, ce qui devrait inviter à s’abstenir étant donné le risque individuel de toute manière très faible, l’impact limité sur la circulation du virus et la probabilité d’effets secondaires graves.46Considérations sur la vaccination anti-Covid des enfants et des adolescents – Le blog du #covidrationnel ; Révision – 04.01.2022 – « La vaccination anti-COVID-19 des enfants n’est pas … Continue reading Il est temps de penser à l’avenir de notre société via nos enfants, plutôt que de continuer à leur faire payer un tribut injustifié. Ils sont les moteurs de l’avenir et pas de l’épidémie.
Signataires :
Auteurs :
- Elisabeth Paul, politiques et systèmes de santé, ULB
- Pierre Huygens, expert indépendant en politique sociale et de santé
- Christine Dupont, bioingénieur, UCLouvain
- Denis Flandre, ingénieur, UCLouvain
- Jean-Louis Lamboray, médecin de santé publique, Mahidol University
- Pierre-François Laterre, soins intensifs, UCLouvain
- Bernard Rentier, virologue, ULiège
- Erik Van den Haute, droit, ULB
Relecteurs :
- Benoit Bourgine, éthique, UCLouvain
- Martin Buysse, physique, UCLouvain
- Vinciane Debaille, géochimie, FNRS-ULB
- David Doat, philosophie et éthique du soin, UCLille
- Boris Jidovtseff, sciences de la motricité, ULiège
- Raphaël Jungers, mathématiques appliquées, UCLouvain
- Vincent Laborderie, sciences politiques, UCLouvain
- Raphaël Lefevere, mathématiques, Université de Paris
- Olivier Servais, anthropologue, UCLouvain
- Jean-Marc Sparenberg, physique, ULB
Notes